MAJ : 1er décembre 2024
Le Bayon (fin XIIe-début XIIIe s.) est le temple khmer le plus riche en iconographie musicale. Divers types d'orchestres y sont dépeints : orchestres à cordes khmers cultuels et palatins, orchestres martiaux chams et khmers. Cette page est dédiée à cette dernière catégorie. Nous publions ici l'exhaustivité des bas-reliefs du temple auquel nous avons ajouté un haut-relief du style du Bayon appartenant au Musée des Civilisations Asiatiques (Asian Civilisation Museum, ACM) de Singapour. Une page dédiée aux orchestres martiaux chams est disponible ici.
Ces orchestres sont structurés autour d'un grand tambour sur portant (et non un gong !) dont nous ignorons si la typologie organologique était “en forme de tonneau” ou “sur cadre” ; peut-être les deux versions ont-elles coexisté car les diamètres de tous les tambours représentés varient. On peut concevoir qu'un tambour de guerre de petite taille soit en forme de tonneau (des exemples existent au Vietnam et en Thaïlande au Bangkok National Museum), mais dès lors que le tambour est trop gros et trop lourd, il devient un handicap. Parfois la représentation orchestrale se limite à la seule présence d'un tambour sur portant. Autour de cet instrument, on trouve d'autres types de tambours, des trompes, des conques et des cymbales.
La plupart des personnages jouant le grand tambour sont de petite taille et atypiques par leur accoutrement. Nous pensons, à propos de leur taille, qu'il s'agit d'une manière formelle de les représenter afin que le tambour puisse être perçu avec le plus de surface possible, d'autant qu'il est parfois recouvert de décors floraux gravés. À Angkor Vat, les sculpteurs ont fait preuve d'un grand génie artistique pour représenter à la fois le tambourinaire et son instrument. Certains tambourinaires sont représentés dans la même position que les danseuses sacrées ; mieux encore, certains virevoltent sans toucher le sol. Quant à leur accoutrement, la question est plus énigmatique. Certains portent une coiffure et un collier similaires à ceux des “bouffons danseurs” visibles auprès des orchestres à cordes avec harpe à tête de Garuda.
Nota : la numérotation des orchestres, utilisées ci-dessous lorsqu'il en existe plusieurs dans un même bas-relief, est arbitraire.
Ce gigantesque bas-relief de la galerie est, aile sud, représente le roi Jayavarman VII et ses deux épouses, les reines Jayarajadevi et Indradevi portées dans des palanquins. Ils sont accompagnés de cohortes des militaires de haut rang, de soldats, de deux orchestres à cordes, de la logistique, etc.
Le tambourinaire, de petite taille, voltige ; son pied droit ne repose pas sur le sol. La pratique de ce type de tambourinage était peut-être considéré comme un “art dansé” avec ses propres règles chorégraphiques. Devant lui, un joueur de conque aux contours imprécis. Derrière le porteur postérieur, un joueur de tambour ; la partie inférieure de son instrument semble cassée, mais il se pourrait que le sculpteur n'est pas su appréhender la nature cet instrument. Seconde curiosité, la sangle de portage suit le contour du buste et de la main du musicien au lieu d'être tendue. Dans l'esprit, cet instrument ressemble aux tambours en gobelet d'Angkor Vat, placés entre les jambes (ou sur le côté ?). Mais ici, nous n'avons pas affaire à cette configuration. L'énigme demeure… Dans la perspective du grand tambour, deux joueurs de trompes atypiques, celle de gauche est peut-être en bambou et celle de droite en métal (?). Derrière le joueur de conque, le cymbaliste ; l'instrument n'est pas visible, mais la position du bras droit suffit à nous renseigner. Cette même configuration existe dans l'orchestre de parade royale du roi Suryavarman II, dans la scène du Grand Défilé d'Angkor Vat (galerie sud, aile ouest). Les cymbales sont tenues horizontalement et non verticalement, ainsi que nous l'indique la totalité de l'iconographie angkorienne ; elles sont un composant incontournable des orchestres, fussent-il martiaux, palatins ou cultuels.
En résumé, les instruments de droite à gauche : conque, cymbales, tambour sur portant, deux trompes atypiques dépareillées, tambour non identifiable mais probablement “en gobelet”.
Le bas-relief est en mauvais état. Cet orchestre accompagne le roi Jayavarman VII à la guerre. La tambour sur portant est décoré de motifs dont subsistent des fragments. Tous les musiciens portent des vestes évasées à manches courtes. Le tambourinaire est représenté en position de danseuse sacrée mais cette fois, il a un pied posé sur le sol. Derrière le tambourinaire antérieur, le joueur de conque dont l'instrument est invisible. Derrière lui, un joueur de trompe atypique terminée par un pavillon conique plutôt qu'une “gueule de makara”. Derrière le porteur postérieur, un joueur de tambour, lui aussi atypique ; il s'agit probablement d'un tambour en gobelet, mais le sculpteur n'a pas su le positionner correctement. Dans la perspective de ce tambourinaire, un personnage brandit une paire de cymbales. Cette représentation est unique dans toute l'iconographie khmère connue. De plus, elles sont placées juxtaposées et non superposées comme dans le jeu standard, c'est-à-dire devant la poitrine.
En résumé, les instruments de droite à gauche : conque, tambour sur portant, trompe atypique, cymbales, tambour non identifiable mais probablement “en gobelet”.
Le grand tambour est décoré de motifs floraux. Le Bangkok National Museum présente plusieurs exemplaires de tambours martiaux à décor floral (voir photo ci-dessous). Le tambourinaire, en plus des éléments vestimentaires mentionnés ci-avant, porte une veste évasée à manche courte. Il voltige. Dans la perspective du porteur antérieur, un joueur de trompe, probablement en bambou ; derrière lui, un joueur de conque. Vous trouverez une description de ces deux instruments en cliquant sur les liens. Le joueur de cymbales n'est pas identifiable.
En résumé, les instruments de gauche à droite : trompe, conque, tambour sur portant.
L'orchestre est ici minimalisé : trois personnages seulement. Musiciens et soldats portent de même type de vestes évasées. Le tambour sur portant est de petite taille et décoré de motifs floraux. L'instrument est frappé par le porteur postérieur. Derrière ce dernier, un joueur de trompe.
Nous offrons ici des images prises sous diverses lumières.
En résumé, instruments de droite à gauche : tambour sur portant, trompe.
Les musiciens sont représentés selon une taille plus petite que les soldats, probablement dans un souci d'efficacité visuelle. Le tambourinaire a les deux pieds par terre. Il porte un chignon et une veste à manches courtes. Son visage est vu de profil. Le tambour est suspendu à la barre de portage par un anneau vu de face et non de profil comme dans la réalité. Devant le porteur antérieur, un joueur de tambour en sablier thimila. Ce tambour est rarement visible dans les orchestres martiaux des Khmers, mais plutôt dans ceux des Chams, nombreux au Bayon. Dans la perspective du grand tambour, un joueur de trompe.
En résumé, les instruments de gauche à droite : tambour en sablier, trompe, tambour sur portant.
Six musiciens, dont les deux porteurs du tambour, précèdent le transport du Feu Sacré. Tous portent des vestes évasées. Pour des raisons de perspective, le sculpteur a adapté la taille des soldats, de cinq musiciens et du tambourinaire dont le sommet de la coiffure côtoie le rebord du tambour. Le premier musicien semble être un cymbaliste (son instrument est difficilement visible car il se trouve à la jonction de deux blocs de pierres). Derrière lui, un joueur de conque dont les contours sont imprécis. Enfin, derrière le porteur postérieur, un joueur de tambour de nature indéterminé, mais probablement “en gobelet”.
En résumé, les instruments de droite à gauche : cymbales, conque, tambour sur portant, tambour non identifiable mais probablement “en gobelet”.
L'orchestre se compose de six musiciens dont les deux porteurs du grand tambour. La taille du tambourinaire dansant est extrêmement réduite, une fois encore dans le seul but de laisser transparaître le tambour et de ne pas occulter les personnages situés dans la perspective. Entre les deux porteurs, deux joueurs de trompes. À l'arrière, un joueur de tambour de nature non identifiable.
En résumé, les instruments de droite à gauche : deux trompes, tambour sur portant, tambour non identifiable.
L'orchestre est ici réduit à deux porteurs et un tambourinaire. Ce dernier est vêtu à la manière des “bouffons” accompagnés par la harpe à tête de Garuda ; il porte une queue de cheval. Plusieurs erreurs semblent avoir été introduites volontairement par le sculpteur, à l'instar de la “scène de bouffonnerie” de la galerie méridionale, aile est.
On remarquera, devant le groupe de musiciens, un guerrier danseur. Il y a probablement lieu d'établir un lien causal entre eux.
Six (ou sept ?) musiciens sont mis en scène. Le sculpteur s'est contenté d'aligner les personnages sans dynamique. Le tambourinaire, de taille normale, a le dos vouté. On comprend dès lors pourquoi les autres artistes ont représenté de petits personnages virevoltant, sans toutefois égaler la dynamique et la puissance des tambourinaires d'Angkor Vat. À travers ses expérimentations en archéomusicologie expérimentale, nous avons compris combien il était malaisé, pour un tambourinaire de taille normale, de frapper le grand tambour en marchant. Ici, le sculpteur en fait la démonstration. À gauche, dans la perspective du grand tambour, le cymbaliste et, à droite, un personnage au rôle non identifié. À gauche du cymbaliste, un joueur de trompe. Devant le porteur antérieur, un joueur de conque (ou de trompe ?). Devant lui, un joueur de tambour en sablier thimila.
En résumé, les instruments de gauche à droite : tambour en sablier, conque, trompe, tambour sur portant, cymbales.
La sculpture de cet orchestre de sept personnes a probablement été réalisée après la mort du roi Jayavarman VII. Le style est différent et la sculpture de piètre qualité. Le tambour est de grande taille, à tel point qu'il nécessite trois porteurs. En revanche, il existe un détail non visible ailleurs : le tambour est suspendu à un crochet solidaire de la barre de portage. Dans d'autres cas, on peut voir l'anneau de suspension de face, mais pas le crochet. Parfois, l'image laisse supposer (peut-être à tort) que la barre de portage passe dans l'anneau. Ce dispositif permet de désolidariser aisément le tambour lors des pauses ou pour le stockage.
Devant l'orchestre, un personnage à l'index tendu, indiquant qu'il parle ou chante. Derrière lui, deux porteurs. Derrière les deux porteurs antérieurs, un joueur de trompe, et derrière lui, un joueur de conque.
En résumé, les instruments de droite à gauche : voix (?), trompe, tambour sur portant, conque.
Un haut-relief appartenant au Musée des Civilisations Asiatiques (Asian Civilisation Museum, ACM) de Singapour montre un orchestre martial classique de l'époque du Bayon. Il se compose d'un tambour sur portant (deux porteurs et un tambourinaire), d'un tambour thimila et d'une trompe ou conque (l'instrument est endommagé). À l'extrême droite du plan large, une cloche d'éléphant. Deux éléments nous paraissent intéressants dans cette scène.