MAJ : 6 juin 2021
L'orchestre de mariage ancien (dans le sens de “classique”) phleng kar boran ភ្លេងការបុរាណ était, avant la Révolution khmère rouge, la formation de base pour interpréter le répertoire des mariages. Il est aujourd'hui dénommé ainsi pour le distinguer du phleng kar លេងការ moderne qui l'a peu à peu remplacer depuis la Révolution. Aujourd'hui, il n'est plus joué que sur la scène. Toutefois, quelques riches Khmers engagent parfois l'un des rares orchestres recomposés par la nouvelle génération.
Le meilleur article jamais écrit sur le sujet est dû à l'ethnomusicologue Jacques Brunet ; il date d'avant 1968 et a été publié dans le Bulletin de l'École française d'Extrême-Orient / Année 1979 / 66 / pp. 203-254. Nous avons pris la liberté de supprimer les translittérations en majuscules pour les remplacer par les termes en langue khmère ; nous avons en revanche conservé les translittérations de l'auteur.
L'ensemble instrumental se dit, pour toutes les formations, krom phleng. L'orchestre de mariage krom phleng kar n'a pas toujours la même composition et varie légèrement selon les provinces. Il existe cependant une formation-type de cet orchestre et lorsqu'elle n'est pas respectée, elle est due soit à un manque d'Instrumentiste pour un instrument donné, soit à une décision du chef des musiciens qui décide de composer son orchestre autrement. Beaucoup de variantes cependant ne sont pas considérées comme étant opposées à la formule traditionnelle, mais tout juste comme une autre possibilité à l'intérieur de la tradition. L'ensemble phleng kar comprend un monocorde sadêv ខ្សែដៀវ, une vièle à pique tricorde tro khmer ទ្រខ្មែរ, un hautbois pey â ប៉ីអ, un luth chapey ចាប៉ី, et un ou deux tambours skor arak ស្គរអារក្ស. Il est devenu peu courant de rencontrer cette formation complète telle qu'elle est décrite ci-dessus. Dans la province de Siem Reap on ne trouve jamais de sadêv dans l'orchestre. Pourtant quelques chanteurs — très rares, il est vrai — jouent du sadêv en soliste, comme instrument d'accompagnement. Les orchestres phleng kar de Siem Reap et de Sras Srang que nous avons étudiés n'ont pas intégrés le sadêv et leur formation est cependant considérée comme tout à fait traditionnelle. Dans la province de Kompon-Thom le sadêv est l'instrument d'accompagnement préféré des chanteurs aveugles mais il n'est jamais intégré dans l'orchestre. A Battambang le sadêv est rarement employé mais jusqu'en 1965 lorsque pour un mariage une famille désirait que l'orchestre comprenne aussi un joueur de cet instrument, les musiciens pouvaient alors faire appel à un vieux joueur, Ta Pok, qui vivait au pied des montagnes et qui acceptait parfois contre une bonne rémunération de s'intégrer à l'orchestre. A Phnom-Penh, sur une trentaine d'orchestres que nous connaissons, deux seulement possèdent cet instrument. Par contre, dans la Province de Pursat, nous avons rencontré parfois des orchestres complets ainsi que dans le canton de Oudong, en Kompong Speu ainsi qu'en Takêo et en Prey Venge L'usage du sadêv est en partie lié à la présence dans la région des courges nécessaires à la fabrication de la calebasse de l'instrument. Or ces calebasses ne se trouvent qu'en altitude ce qui fait que cet instrument n'est fabriqué que dans les régions limitrophes des Monts Cardamômes où cette courge pousse en abondance. En outre il est très difficile à jouer, ce qui rend son emploi très rare ; il suffit d'un bon joueur de sadêv pour rendre un orchestre de mariage immédiatement célèbre dans le pays. Dans tout le Cambodge, il n'existe sans doute pas plus d'une douzaine d'orchestres comportant un sadêv. Nous connaissons personnellement quatre de ces instrumentistes dont deux seulement sont membres permanents d'un orchestre phleng khmer ភ្លេងខ្មែរ. Il y a quelques années encore l'instrument était fort employé et les ouvrages sur le Cambodge écrits au siècle dernier le signalent comme accompagnant généralement les chants d'aveugles et s'intégrant dans l'ensemble de l'orchestre de mariage. Une des raisons de son abandon progressif tient aussi au fait que sa sonorité est faible et facilement couverte par les autres instruments, surtout depuis que la fâcheuse habitude de sonoriser les orchestres dans les cérémonies déséquilibre le rapport des instruments entre eux. En outre, alors qu'autrefois les musiciens n'hésitaient point à parcourir les distances nécessaires pour se procurer une calebasse, ils se déplacent aujourd'hui de moins bon gré pour aller à la recherche d'un matériau entrant dans la composition d'un instrument qui est loin d'être indispensable. Les joueurs de sadêv ont tous aujourd'hui un certain âge et il leur est plus difficile de se déplacer qu'au temps de leur jeunesse ; or le sadêv est totalement abandonné des jeunes. Le sadêv du Palais Royal de Phnom-Penh n'a plus de corde depuis 1962. Le musicien spécialisé dans cet instrument n'a pas jugé utile de la remplacer, ce qui est pourtant facile, et l'a abandonné au profit du chapey. Depuis, les mariages royaux ont toujours été accompagnés par un orchestre sans sadêv. C'est donc à une mort prochaine que le sadêv est condamné, ce qui est tout à fait regrettable étant donné la beauté des timbres de cet instrument. Mis à part l'emploi plus ou moins rare du sadêv, on rencontre généralement, dans les campagnes, la formation type de l'ensemble phleng kar. Des variantes sont nombreuses : c'est le cas de l'orchestre du village de Péang-Lovea (Kompong-Speu), un des meilleurs orchestres de tout le Cambodge, qui comprend seulement un skor arak ស្គរអារក្ស au lieu des deux habituels, et c'est le joueur de sadêv qui chante. Parfois un orchestre peut s'adjoindre un chanteur supplémentaire lorsque les instrumentistes n'ont pas eux-mêmes de belle voix (à Kratié-ville par exemple et à Antassom, Takêo). Le plus souvent le rôle de chanteurs est attribué aux joueurs de tambour, ce qui fait partie de la tradition, mais là encore tout dépend des capacités vocales des musiciens. Pour les mariages, outre la formation dite phleng khmer boran ភ្លេងខ្មែរបុរាណ « musique khmère ancienne », on utilise parfois aussi un orchestre dit phleng khmer kândal ភ្លេងខ្មែរកណ្ដាល, mot-à-mot : «musique khmère moyenne », c'est-à-dire « musique semi-traditionnelle » qui regroupe un skor arak, une cithare tricorde takhé តាខេ, une vièle bicorde tro u ទ្រអ៊ូ, une vièle bicorde tro chae ទ្រឆែ et une flûte khloy ខ្លុយ. Cette formation est de plus en plus employée, surtout à Phnom-Penh, et dans les régions proches de la frontière thaïlandaise. On retrouve là une influence siamoise déjà ancienne d'une part, et d'autre part dans les régions excentriques on réunit les instruments que l'on sait jouer, la tradition étant beaucoup moins puissante près des frontières où les influences culturelles étrangères se sont fait davantage sentir. Certaines de ces formations sont de plus en plus demandées, surtout à Phnom-Penh. Enfin on emploie le terme de phleng khmer thmey ភ្លេងខ្មែរថ្មី « musique khmère nouvelle » pour désigner des formations réunissant des instruments traditionnels et des instruments occidentaux simultanément. On trouve donc, dans ces ensembles, une flûte khloy, des cymbales chhing ឈិង, un banjo et une guitare. D'autres instruments, outre les skor, peuvent s'y ajouter tels que le takhé, le tro chae et le violon occidental. C'est surtout dans les régions où les musiciens traditionnels sont peu nombreux, comme par exemple dans la région de Kampot, qu'on peut entendre ces orchestres. Ailleurs, ces ensembles instrumentaux sont encore peu prisés pour les cérémonies de mariage. Quant aux chanteurs, ils vont le plus souvent par paire (en chants alternés) ; lorsqu'ils sont instrumentistes, ils tiennent la partie des tambours. Quelquefois le chant alterné peut être exécuté entre un homme et une femme, mais en ce qui concerne la musique de mariage, une femme ne peut jamais être instrumentiste et nous n'avons jamais vu transgresser cet interdit. Parfois, l'ensemble ne comprend qu'un chanteur, soit le joueur de tambour, soit le joueur de sadêv (car le joueur de sadêv s'accompagne souvent lui-même lorsqu'il chante seul), soit un musicien adjoint à l'ensemble instrumental.
Cet orchestre de mariage ancien se compose des instruments suivants : luth chapei, hautbois pei ar, vièle tro khmer, cithare kse diev, couple de tambours skor daey. La plupart de ses membres appartiennent à la dernière famille détentrice de ce précieux savoir-faire à Siem Reap, la famille Maen. Ce tournage a été réalisé en novembre 2017 dans le cadre d'un enregistrement audio.
Ce chant s'intitule Som Pong Pon.
Ce chant s'intitule Srey Slev.