Au Cambodge, la renaissance de la harpe khmère d'origine indienne est l'œuvre de Patrick Kersalé. Initiée en 2009, elle se poursuit au moment où nous écrivons ces lignes (mai 2024). Elle a été en quelque sorte le fer de lance d'une recherche plus large consacrée à la renaissance des instruments de l'Empire khmer. De nombreuses personnes y ont participé de près ou de loin, incluant la Royauté khmère, le Ministère de la Culture et des Beaux-Arts, l'UNESCO, des ONG, les facteurs, les artisans, les artistes et tous les anonymes qui ont œuvré dans l'ombre. Au démarrage du projet, l'image même de l'instrument était floue. Elle s'est peu à peu dévoilée jusqu'à conquérir les scènes locales et internationales, les médias et finalement le cœur des Cambodgiens qui, aujourd'hui, ont presque tous vu ou entendu parlé de cet instrument mythique revenu à la vie.
Textes, photos, vidéos © Patrick Kersalé 1998-2024, sauf mention spéciale. Dernière mise à jour : 14 octobre 2024.
SOMMAIRE
La harpe khmère, aujourd'hui disparue, a fait fantasmer des générations de musiciens et d’intellectuels. L’ethnomusicologue Patrick Kersalé, qui explore les régions reculées de l’Asie du Sud-Est et de l’Inde depuis 25 ans, est parti sur les traces de cet instrument mythique pour tenter d’en percer le mystère. Son rêve : reconstruire la harpe angkorienne et reconstituer les orchestres du glorieux passé de l’Empire Khmer.
Je (Patrick Kersalé) suis par essence un instrumentiste à vent puisque mon premier instrument était l’accordéon, le second l’orgue liturgique et le troisième la flûte de Pan roumaine naï. Je peux dire que j’ai couru durant de nombreuses années après les flûtes du monde, en Europe, en Afrique, en Asie et en Amérique ! Mais la harpe, que je n’avais pas entrepris de poursuivre, n’a jamais cessé de venir à ma rencontre. Dans l'antiquité gréco-romaine, la flûte est associée au monde pastoral et la harpe (ou la lyre, souvent confondues) à la ville, la première jouée par le dieu Pan, la seconde par Apollon.
Mon premier contact avec la harpe date de 1991 ; il s'agissait du gombi des Pygmées Aka de Centrafrique. J’en rapporterai un en France et y consacrerai une partie de mon premier CD “Pygmées Aka : musiques et chants polyphoniques de la sylve”. Ma seconde rencontre avec les cordes sera celle de la kora mandingue et du ngoni des chasseurs sénoufo du Burkina Faso, l’une et l’autre des harpe-luths dérivant d’une antique harpe égyptienne. Ces deux rencontres donnèrent lieu à la production de deux CD : “Kemba Sissoko : la kora des griots mandingue” et “Éloges de la confrérie des chasseurs sénoufos tagoua”, aux éditions VDE-GALLO, dans la collection PEOPLES dont j’étais à l’époque le directeur éditorial. Un film documentaire consacré aux chasseurs sénoufos et à leur musique verra également le jour : Les maîtres du nyama. Puis une rencontre parisienne avec le harpiste équatorien Hugo Barahona qui joua dans le métro et les rues de Paris durant près de trois décennies. Je participerai, avec ma flûte de Pan, dans plusieurs de ses disques. Puis l’histoire alla crescendo, de la petite harpe pygmée à la grande harpe à pédales. Ma rencontre avec deux harpistes classiques, Élisabeth Bassereau et Béatrice Guillermin, me conduisit à faire des concerts durant quelques années en duo, flûte de Pan et grande harpe à pédales, en France et en Roumanie.
De ces diverses expériences, rencontres et enregistrements, naquit l’idée de la publication d’un CD consacré à la harpe et la harpe-luth. Mais il me manquait de la matière. Je décidai alors de contacter la harpiste de renommée internationale, Feu Elena Polonska, spécialiste des harpes anciennes. Elle jouait à elle seule pas moins d’une douzaine de types de harpes. Impressionnant personnage avec lequel je me lierai d’amitié. Elena accepta de jouer plusieurs harpes pour le disque “Harpes du monde” paru aux éditions VDE-GALLO. De cette rencontre naquirent plusieurs disques que j’enregistrai et produisis, notamment deux opus publiés chez ARION “L’art de la harpe”, Vol. 1 & 2.
De 1995 et 2003, ma vie d'ethnomusicologue se partagera entre l'Europe, l'Asie et l'Afrique. Au Burkina Faso, la harpe me rattrapera de façon inconsidérée puisque plusieurs ethnies (Dyan, Lobi, Gan…) du sud-est du pays jouent cet instrument. Je consacrerai quatre années de recherches et de collectage musical aux Gan et aux Lobi. Chez les Gan, je rencontre un musicien à la fois aveugle et génial, Akouna Farma. Naîtrons deux CDs : “Anthologie de la musique gan” et "Harpes du soir", et deux films : Musique et harmonie au royaume des Gan et Akouna Farma, messager du royaume, ce dernier spécifiquement dédié à la harpe koninyan.
En janvier 2006, au cours d’une mission de collectage musical dans le sud du Laos, je rencontre, dans le village de Pha Souam, Monsieur Et (77 ans) de l’ethnie Katu. Il m’affirme derechef que son grand-père jouait de la harpe talu. Au moment de notre rencontre, lui-même fabriquait des harpes dont la forme générale était proche de celles des Khmers anciens. Il me narra l’histoire légendaire de la naissance de la harpe chez les Katu.
Mon histoire avec la harpe khmère débute en 2009 (après un premier contact visuel des bas-reliefs du Bayon en 1998) par un travail de recherches publié sur le présent site Sounds of Angkor. Pour des raisons de pillage intellectuel, je déciderai, à l’époque de ne publier qu’une partie de ma recherche, notamment iconographique.
En 2011, je décide de reconstruire la harpe khmère et l’ensemble des instruments de musique visibles sur les bas-reliefs des temples entre le VIIe et le XIIIe siècle, période au cours de laquelle existe une iconographie, à la fois au Cambodge, en Thaïlande (dans une moindre mesure), au Viêt Nam (Champa) et en Indonésie (Java). À cette époque, je ne dispose que d’une vingtaine d’images de harpes anciennes, périodes préangkorienne et angkorienne confondues. En croisant les sources, je parviens à dégager trois modèles : la harpe préangkorienne des VIIe et VIIIe siècles, semblable à l’instrument indien de la période Gupta, la harpe angkorienne jouée à la cour et dans les temples, et la harpe à tête de Garuda, l’une et l’autre de la période du Bayon. Je possédais, depuis les années 1990, une harpe birmane saùng-gauk que je jouais à temps perdu. La forme générale de l’instrument, naviforme (et même aviforme pour ce qui concerne la harpe khmère puisqu’elle entretient une relation avec l’oiseau !) m’était donc familière. Mais il me manquait une donnée technologique pour la reconstitution : comment le cordier s’insérait-il sous la peau de la table d’harmonie ? Pour le savoir, je décide, en janvier 2012, de partir au Myanmar à la rencontre des luthiers birmans. Je dispose de peu de temps et les marchands de harpes sont peu loquaces quant à leurs fournisseurs. Mais après moult palabres, un magasin de musique de Rangoon accepte de faire venir un puzzle de harpe saùng-gauk qui me permet enfin de comprendre l’agencement du cordier à l’intérieur de la caisse de résonance.
Je prends par ailleurs le temps de chercher un professeur de harpe pour compléter ma formation technique à la harpe birmane.
Dans la foulée, j’effectue un voyage chez les Karen du sud du Myanmar et du nord de la Thaïlande afin de comprendre comment sont construites leurs harpes, si différentes les unes des autres, alors que celles des Birmans sont aujourd’hui standardisées. En Thaïlande, je suis guidé par le Professeur Louis Gabaude qui m’offre généreusement son temps et ses compétences scientifiques et linguistiques ! Qu’il en soit ici éternellement remercié. Après ce bref voyage, je conclus que les harpes des Karen ont un point commun avec les harpes khmères anciennes : il n'existe aucune standardisation.
En 2012, je m’installe à Phnom Penh en famille. Après quelques recherches infructueuses d’un candidat volontaire et compétent pour reconstruire la harpe khmère, je rencontre le musicien et fabricant d’instrument Keo Sonan Kavei. À cette époque, il fabrique des xylophones roneat et des carillons de gongs kong vong. Il accepte de se lancer dans l’aventure avec son équipe de musiciens, de menuisiers et de sculpteurs. Il s'enthousiasme à tel point que parallèlement à la renaissance de la première harpe khmère, son épouse donne naissance à une fille que le couple prénomme Pin, littéralement “Harpe” !
Comme il faut bien un début à toute chose, nous commençons par fabriquer deux copies de harpes karen : l’une d’après un modèle en ma possession, l’autre d’après photographie. L’expérience s’avère concluante. Nous enchaînons alors avec la fabrication d’une harpe préangkorienne d’après un bas-relief de Sambor Prei Kuk (VIIe s.) dont je fournis le plan. L’instrument est lourd et peu sonore; mais superbe. Compte tenu de sa faible puissance acoustique, je décide de placer, à la base de chaque corde, un harpion constitué d’une petite pièce de bambou collée sur le cordier avec de la cire d’abeille. Le résultat est à la hauteur de mes espérances. La harpe sonne comme les cordophones indiens et les harpes européennes reconstituées d’après les tableaux du XVe siècle de Jérôme Bosch. Faute d’avoir pu trouver de la peau de chèvre au Cambodge, nous utilisons une peau de python achetée au Ratanakiri auprès d’un chasseur.
Puis nous construisons une première harpe à tête de Garuda dont je fournis le plan général, le plan de perce et le design de la tête d’après un modèle angkorian en bronze. Ce modèle est relativement facile à sculpter. Pour la table d'harmonie, nous utilisons une peau de vache mais le résultat n’est pas satisfaisant car elle est trop épaisse.
La suite de l’aventure de la fabrication continuera avec une certaine routine dans les ateliers de Kavei pour le compte de musiciens et sympathisants.
Plus tard, Keo Sonan Kavei créera une harpe dont l’accordage s’effectue avec des mécaniques de guitare. Elle deviendra le modèle de base du Conservatoire de Musique de L’Université Royale des Beaux-Arts de Phnom Penh.
Pour que vive un instrument de musique, il faut des luthiers, mais aussi des musiciens. Et pour que les musiciens puissent acquérir une compétence, il leur faut des enseignants. C’est pourquoi je décide en 2012, à défaut de pouvoir faire venir un maître de harpe birmane au Cambodge, de créer un cours permanent à mon domicile de Phnom Penh dans lequel j’enseigne moi-même la technique tout en me faisant assister par un musicien cambodgien pour la partie musicale khmère que je ne maîtrise aucunement. Les premiers enseignements sont dispensés auprès de quelques volontaires motivés, musiciens professionnels, amateurs et debutants : Snguon Kavei Sereyroth, Pov Reaksmey Moni, Sinat Nhok, Him Sophy et Chen Sopheak. Les plus assidus sont, dès le départ, Snguon Kavei Sereyroth et Pov Reaksmey Moni, âgées d’une douzaine d’années. Presque chaque matin, durant plusieurs mois, elles viennent apprendre à la fois la technique et la musique autour de pièces du répertoire mahori, avec le concours d'un musicien khmer. Cet engagement changera leur vie puisque ces deux jeunes filles auront très rapidement l’opportunité de jouer à la télévision, sur scène et d’être enrôlées comme harpistes dans l’œuvre musicale Bangsokol du compositeur khmer Him Sophy.
En 2016, l’Université Royale des Beaux-Arts de Phnom Penh crée une classe de harpe. Chhorn Sovannary en est le professeur. Les élèves jouent sur des instruments à mécanique de guitare du luthier Keo Sonan Kavei. Le cursus est validé par un examen de fin d’année au sein de l’Université.
En 2017, Men Pheakdei, fils de Maître Man Men et disciple de Chen Sopheak, crée une classe de harpe khmère au Vat Reach Bo de Siem Reap : Sounds of Angkor Academy. Dès le départ, il décide d’enseigner aussi la cithare monocorde kse diev, nom moderne du kinnara angkorien, et le luth tricorde trisari reconstitué par mes soins. Deux heures de cours sont dispensées chaque samedi et dimanche, assidument suivis dans une parfaite mixité de filles et de garçons.
Le sort de la harpe khmère et de son enseignement fut véritablement scellé par ma rencontre avec le jeune musicien Chen Sopheak.
Sopheak naît à Kampot en 1991 dans une famille pauvre de cinq enfants. À cinq ans, il découvre sa passion pour la musique. En assistant à des mariages, il commence à mémoriser le répertoire traditionnel. Mais à l’âge de huit ans, ses parents décident que lui et l’un de ses frères iront à l'orphelinat public de Kien Kleang à Phnom Penh du fait de leur extrême pauvreté. Dans cette institution, il rencontra Maître Phol qui lui enseignera le piano et les percussions pendant trois mois avant de rejoindre le royaume des ancêtres. Puis un autre musicien, Maître Meas Sambo, lui enseignera les instruments et la musique du pin peat, un ensemble traditionnel de percussions mélodiques. Sopheak apprendra également à jouer de la batterie et atteindra un excellent niveau malgré la mauvaise qualité de son instrument.
En 2012, Sopheak quitte l'orphelinat quelques heures par jour pour venir étudier l'art de la harpe chez moi. En 2013, il quitte Phnom Penh pour vivre avec une famille de musiciens traditionnels de Siem Reap, la famille de Maître Man Men qui accepte de l'accueillir et de le soutenir. L’association Éléphant Blanc alors dirigée par Marie-Laurence Bon prend en charge nourriture et hébergement. Sopheak perfectionne sa pratique musicale, apprend un nouveau répertoire et enseigne par imitation la harpe aux membres de la famille. À son arrivée à Siem Reap, Sopheak connaît un répertoire musical assez large pour signer un contrat avec l'hôtel Amansara où il jouera deux fois par semaine durant quatre ans.
Ce musicien talentueux et autodidacte est rapidement devenu et demeure le meilleur harpiste du Cambodge. Mais Chen Sopheak n'est pas seulement un harpiste, il est aussi l'un des meilleurs musiciens de la nouvelle génération ! Il s'est aujourd'hui retiré à Kampot où il a rejoint sa famille. Il nous manque infiniment...
En 2012, avec le soutien moral et logistique de l'organisation Cambodian Living Arts, je crée la troupe Sounds of Angkor qui se spécialisera dans le jeu des instruments khmers anciens. En 2013, elle se produit devant le parterre des ambassadeurs de la 37e Session Internationale UNESCO et en 2014 accompagne la venue de Sa Majesté Norodom Sihamoni à Angkor Vat, un évènement majeur dans l'histoire musicale contemporaine du Cambodge.
Au moment où nous écrivons ces lignes (mai 2022) Sounds of Angkor continue de se produire lors de cérémonies bouddhiques importantes à Siem Reap et dans les temples d'Angkor.
En 2013, je m’installe à Siem Reap afin de poursuivre ma recherche et mon programme de reconstitution des instruments angkoriens. Cette situation, géographiquement au plus près des temples, me convient. De plus, Siem Reap est une ville agréable par la diversité de son offre en termes d’hôtellerie et de restauration. Sa petite taille permet de la traverser en 15 minutes à moto. Ma recherche me mène à travailler sur les instruments signalétiques en bronze de la collection du Vat Reach Bo. Le Vénérable Pin Sem avalise cette recherche et me fait ouvrir les vitrines. Une collaboration s’instaure aussi avec Samnang Huot, alors restaurateur des bronzes au Musée National du Cambodge. Parallèlement, je reçois le soutien scientifique de Dominique Soutif, directeur de l’EFEO, spécialiste des objets cultuels angkoriens et de la langue Vieux Khmer.
Plusieurs outils de communication sont employés pour diffuser la connaissance autour de la harpe khmère ancienne et renaissante :
En 2014, il n’existe pas de fabricants d’instruments de musique autres que les tambours en gobelet skor daey et les vièles bicorde tro à destination essentiellement touristique.
Grâce à Barang Hely, je rencontre Theang et son fils Thean Nga qui vivent près du temple de Ta Prohm. Le courant passe aussitôt et les premières reconstitutions de harpes préangkoriennes voient le jour. Puis d’autres instruments musicaux et signalétiques du Cambodge, de l’Inde et de l’Afghanistan !
Je rencontre également le fondeur de bronze Sopheap à qui je confie la réalisation de copies d’arbres à cloches, de clochettes à main et de tambours-hochets.
En 2015, le sculpteur Leng Pohy réalise les volutes des harpes préangkoriennes. De cette première expérience satisfaisante naîtra en 2017 un projet plus ambitieux, la construction de harpes angkoriennes au plus proche des formes originelles offertes par l’iconographie des temples. Pohy construit un premier instrument mais celui-ci se brise sous la tension des cordes. Après réparation, l’instrument se brise de nouveau. Sentant un mauvais présage, le luthier brûle la harpe et perd son enthousiasme encore fragile. Mais je reviens à la charge et l’encourage à ne pas rester sur cet échec. Un second instrument est alors fabriqué. Le son surpasse en clarté tout ce qui avait été fabriqué jusqu’alors. Un pied unique, à l’avant, permet de stabiliser l’instrument. Mais il faut trouver le moyen d’améliorer la stabilité. Nous travaillons de concert avec l’aide d’une pâte malléable un nouveau design de pied solidaire de la caisse de résonance. Une solution efficace est trouvée et sera dès lors pérennisée.
Dès le départ de cette aventure, j’avais décidé d’un programme en trois phases :
En 2018, je crée le groupement d’artisans et d’artistes franco-khmers : Prestige Art Khmer. Grâce à cette équipe, des harpes prestigieuses voient le jour. Des matériaux nobles et des techniques anciennes à la fois françaises et khmères sont utilisées, notamment pour la laque et la feuille d’or.
Le 22 novembre 2019, une harpe est offerte par Cambodian Living Arts à Sa Majesté Norodom Sihamoni. La boucle est alors bouclée puisque la harpe est de retour dans la Royauté khmère après un demi-millénaire d’absence !
La Harpe Royale allie sobriété et noblesse, bois brut et feuille d'or, un choix fait sur les conseils d'un proche de Sa Majesté.
Plusieurs symboles, visibles ou non, sont cachés dans cet instrument. Nous ne les dévoilons pas tous, mais en voici quelques-uns. Tout d'abord, la tête de Garuda. Le Garuda est, dans le brahmanisme, le véhicule du dieu Vishnu, et dans le bouddhisme, le gardien de la connaissance. Ainsi, la Harpe Royale embrasse les deux religions dont la Cour royale du Cambodge est l'héritière.
La corde mère de la harpe, la plus basse, a dix-neuf brins et la caisse de résonance est large de dix-neuf centimètres. Le chiffre dix-neuf fait référence aux dix-neuf âmes ou principes vitaux (pralung) des Khmers... C'est la partie animiste de la Harpe Royale sans laquelle elle ne serait pas totalement khmère !
Le retour de la harpe khmère au sein du Ballet royal du Cambodge est un événement culturel majeur dans l'histoire musicale du pays. En décembre 2018, Son Altesse Royale la Princesse Norodom Buppha Devi fait part à Patrick Kersalé de son souhait de mettre en valeur la harpe khmère dans l'œuvre créée par Sa Majesté la Reine Sisowath Kossamak dans les années 1950, "Dance Apsara", qui sera jouée en présence de Sa Majesté le Roi Norodom Sihamoni à la Terrasse des Eléphants dans le cadre du 25e anniversaire du CIC Angkor. Mais deux harpes disparates, sans relation symbolique avec celles des anciennes cours, ont été prêtées pour l'occasion par l'Université royale des Beaux-Arts. Ainsi, dans le cadre de son savoir-faire et de sa mission de promotion de la culture musicale du Cambodge, Sounds of Angkor propose, en mars 2019, à Son Altesse Royale la Princesse Norodom Buppha Devi, directrice du Ballet Royal du Cambodge (patrimoine de l'UNESCO), de faire don de deux harpes khmères exceptionnelles, une proposition immédiatement acceptée par la Princesse. La donation a eu lieu le 26 février 2020 au Sofitel Pokeethra de Siem Reap en la présence de Son Altesse Royale le Prince Sisowath Tesso représentant Feu Son Altesse Royale la Princesse Norodom Buppha Devi. Pour en savoir plus sur cette soirée, cliquez ici.
Les deux instruments ont été entièrement fabriqués à Siem Reap par Prestige Art Khmer, une équipe d'artisans cambodgiens et français. Le film ci-après retrace les moments-clés de leur fabrication.
Depuis 2013, la harpe khmère fait de nouveau partie du paysage culturel du Cambodge. Deux évènements marquants, en dehors de la télévision, l’ont propulsée sur le devant de la scène :
La troupe Sounds of Angkor, dans sa version orchestre à cordes pré-angkorien puis angkorien et orchestre de parade martiale, joue devant un parterre de VIP : Directrice générale et ambassadeurs UNESCO, Ministre de la Culture du Cambodge, etc… Une première pour SOA qui fera de cette troupe l'un des fers de lance du renouveau d'un patrimoine totalement oublié depuis la chute d'Angkor au XVe s. Depuis lors, SOA joue pour des manifestations nationales majeures à la fois laïques et religieuses puisque la devise du Cambodge est « Nation, Religion, Roi ».
Bangsokol : A Requiem for Cambodia est la première œuvre symphonique majeure du Cambodge à aborder les traumatismes de la fin des années 1970. Elle fusionne voix, musique, mouvement et images. La partition associe un orchestre de chambre et un chœur occidentaux à des instrumentistes et des chanteurs khmers traditionnels.
Une sélection des meilleurs musiciens et chanteurs traditionnels cambodgiens, tels que Sophy Keo et Savy Him, s'est associée à des joueurs d'instruments à cordes du Yong Siew Toh Conservatory of Music de Singapour. La musique est du compositeur Sophy Him et une partie de la scénographie du cinéaste Rithy Panh.
Cette vidéo présente une répétition du spectacle à New York en 2017 ; elle est justifiée par la présence de deux harpes khmères initialement reconstituées par Patrick Kersalé puis améliorées par Keo Sonan Kawei qui ajouta des chevilles de guitares à l'instar des harpes birmanes saung gauk contemporaines.
Cette vidéo présente une répétition du spectacle à New York en 2017 ; elle est justifiée par la présence de deux harpes khmères initialement reconstituées par Patrick Kersalé puis améliorées par Keo Sonan Kawei qui ajouta des chevilles de guitares à l'instar des harpes birmanes saung gauk contemporaines.
Le concert organisé en 2019 par le CKS (Center for Khmer Studies) de Siem Reap a eu le grand mérite, par delà le répertoire traditionnel khmer, de proposer pour la première fois une écoute de la harpe selon une échelle proprement khmère (proche de l'équiheptatonisme) et non plus diatonique. Le xylophone roneat a servi de base. Ici sont jouées les harpes réalisées par Keo Sonan Kavei : à gauche d'après un bas-relief du Bayon (galerie intérieure est), à droite d'après le haut-relief de la Terrasse des Éléphants. Les deux instruments s'accordent avec des mécaniques de guitare, une innovation de Keo Sonan Kavei d'après les modèles birmans contemporains.