MAJ : 28 octobre 2024
Dans l’hindouisme, les gandharva (Sanskrit : गन्धर्व, gandharva, Kannada : ಗಂಧರ್ವ, Tamil : கந்தர்வர், Telugu : గంధర్వ) sont cités dans les Veda. Ils sont des esprits mâles de la nature, époux des apsaras. Certains sont en partie animal, le plus souvent oiseau ou cheval. Ils possèdent d’impressionnants talents musicaux et vocaux. Ce sont les gardiens du Soma et, par leur musique, ils divertissent les dieux dans leurs palais. Gandharva est synonyme de chanteur à la cour des dieux. Dans la théologie hindoue, les gandharva jouent le rôle de messagers entre les dieux et les humains. Ils sont largement mentionnés dans le poème épique du Mahābhārata ; ils y sont associés aux deva (comme danseurs et chanteurs) et aux yaksha, comme puissants guerriers.
Nota : nous n'accordons pas de pluriel au terme gandharva et nous ne l'assortissons pas d'une majuscule, sauf dans des citations.
Il existe deux types de citations des gandharva dans l'épigraphie angkorienne : les éloges, en sanskrit, et les listes des serviteurs des temples, en vieux khmer.
Dans son Dictionnaire vieux khmer - français - anglais, Saveros Pou donne de gandharva la définition suivante : Chanteurs masculins à la voix harmonieuse, employés dans le service divin. Il existe, à travers le temps et les divers textes, diverses graphies de ce terme : gandharva ou gandharvva en khmer préangkorien, gandhabb គន្ធព្វ en khmer moderne.
La stèle du Pràsàt Tor (K. 692) est un éloge au roi Javavarmadeva, qui est probablement Jayavarman VII puisque la date correspond à son règne, quelqu’en soit l’interprétation, 1189 ou 1195 A.D. La stance XLI, décrit les gandharva comme des chanteurs de louanges.
XLI.* Les Gandharva aimaient à chanter au ciel la gloire que ce (roi) tirait de ses sacrifices ; les princes, celle qu'il tirait de sa modération en levant les impôts ; les femmes, celle qu'il tirait de sa beauté ; les rois ennemis, celle qu'il tirait d'un châtiment approprié à l'offense et nullement en contradiction (avec celle-ci) ; c'est sans doute pour cela que les mondes font entendre ce chant harmonieux, puissant et agréable.
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*D'après G. Cœdès, BEFEO, Inscriptions du Cambodge, Volume 1, 1937, p.245.
La stèle de Ban T'at T'ong (K. 697) date vraisemblablement du règne d'Içanavarman II (ca. 925 CE). George Cœdès traduit gandharvāḥ par “musiciens”, une traduction par défaut car leur rôle n'est pas attesté. Ils pourraient être aussi des chanteurs ou des musiciens-chanteurs.
Texte sanskrit
VII* (13) bhairivādyā - gandharvāḥ gandhakaṃ puṣpacitravā
(14) pūjātriṣkāla ityuktaṃ tasmāt sārassvatin dadat
Traduction
VII. Tambours, instruments à vent - - - musiciens (gandharvāḥ), parfums - - - fleurs, il donna tout cela à Sarasvatī pour la célébration du culte aux trois moments (de la journée).
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*D'après G. Cœdès, BEFEO, Inscriptions du Cambodge, Volume 7, 1964, p.95, 97.
L'inscription K. 659 a été publiée et traduite par George Cœdès dans son Tome V des “Inscriptions du Cambodge”.
En introduction, G. Cœdès écrit ceci : “Pràsàt O Roṃduol est une tour située à 5 kilomètres au sud-ouest du village de Kantûot dans Mlu Prei. Elle a été visitée pour la première fois par H. Parmentier en 1929. Le piédroit nord de la porte orientale a reçu une inscription de 30 lignes khmères suivies de 2 lignes sanskrites. Le texte bien conservé reproduit une ordonnance royale de 890 ç. (968 A. D.), première année du règne de Jayavarman V, relative aux redevances et aux biens fonciers et mobiliers d'un Çivalinga.”
Voici le fragment de texte concernant la musique et la danse (K.659:17) :
tūryya tiṇ toṇ rām cryaṅ gandharvva hūdūka çikharā
Afin de mieux appréhender le contexte, nous donnons ci-après la totalité du segment 17 :
« 1 je (mesure) de riz décortiqué pour le sacrifice quotidiennement, les accessoires de l'ablution quotidiennement, le pançagavya, beurre fondu, lait caillé, lait, mélasse, coco, parfum, onguent, luminaire, encens, bétel, noix d'arec, musique à corde et à percussion, danse, chant, musiciens (gandharvva), tambourins (hūdūka), çikharā. »
Une fois encore, G. Cœdès traduit gandharvva par “musiciens”, une traduction de défaut car leur rôle n'est pas attesté. Ils pourraient être aussi des chanteurs ou des musiciens-chanteurs.
L'inscription dite de Kok Roka (K.155) est entièrement en vieux khmer. Sa provenance est incertaine. Elle est datée des VII-VIIIe s. compte tenu de la typologie de sa graphie. Il s’agit d'une énumération des serviteurs du temple. Nous donnons ici la liste énumérant le nom de tous les musiciens du temple (tous des hommes) au moment de sa fondation et dans laquelle apparaît le terme gandharvva :
(7&8)* cvai | vā lve | vā kaṃpoñ | vā kanyas | vā sugata | gandharvva vā vaṇçigīta | vā kan-et | vā karān | vā tpit | vā kanren | vā tvāṅ.
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*D'après G. Cœdès, BEFEO, Inscriptions du Cambodge, Volume 5, 1953, p. 65:7.
D'autres inscriptions mentionnent le terme :
Deux linteaux du temple de Preah Ko, 880 CE. Les gandharva chevauchent divers animaux réels (chevaux), mythiques (naga tricéphales) ou hybrides (lion à tête d'éléphant).
Gandharva chevauchant. 921 EC.
Les représentations de gandharva sont nombreuses dans l'iconographie angkorienne. Celle que nous publions ci-après est exceptionnelle car elle permet de visualiser, sur une seule image, l'universel spirituel des Hindous : une devata, deux gandharva chevauchant des rapaces, Rāhu surmonté d'un yaksha et deux apsara, chacun parfaitement à la sa place dans la hiérarchie. Ce bas-relief d'une qualité exceptionnel tant par sa facture que par sa conservation, se trouve sur le mur de la quatrième galerie ouest, aile sud, d'Angkor Vat.