Le “Période du Bayon” est une fenêtre spatio-temporelle située dans l'Empire khmer entre le fin du XIIe et le début du XIIIe s. au cours de laquelle la Triade Royale, adepte d'une forme du bouddhisme Theravada, construisit un grand nombre de temples à travers un territoire correspondant à l'actuel Cambodge et la Thaïlande. Les plus grands d'entre eux disposent d'une “salle de danse”. Le Bayon, temple d'état, en comporte huit. Ces “salles de danse” étaient des lieux d'offrandes, la danse n'étant qu'une offrande parmi d'autres. Sounds of Angkor a consacré plusieurs années à étudier ces lieux particuliers, notamment son iconographie et l'épigraphie s'y rapportant.
Textes, photos, vidéos © Patrick Kersalé 2009-2024, sauf mention spéciale. Dernière mise à jour : 11 octobre 2024.
SOMMAIRE
Introduction
Disposition des salles de danse (hors Bayon)
Les salles de danse du Bayon
Représentation des danseuses
Les danseuses à travers l’épigraphie : stèles de Ta Prohm et Preah Khan
La danse à travers l'épigraphie : grande stèle du Phimeanakas
La reine Jayarājadevī et la danse au Bayon
Les personnels affectés à la danse à travers l’iconographie
La vie du corps de ballet
Le corps du temple
Rituel dansé aux neuf planètes
Maîtresses de danse et danseuses sacrées
Attitude générale des maîtresses de danse (Bayon)
Disposition spatiale des images des maîtresses de danse
Les maîtresses de danse à Angkor Vat
Particularités des « maîtresses de danse » d’Angkor Vat
Localisation des salles de danse dans les temples de l’époque du Bayon et à Angkor Vat
Diversité des sculpteurs (Bayon, Banteay Kdei)
Gestuelle des danseuses sacrées
Longévité des danseuses de temples dans l’histoire
Instruments de musique
L'orchestre de la salle de danse sud-est du Bayon
En conclusion
Pour aller plus loin…
> Glossaire de la danse et du théâtre
> Apsaras ou danseuses sacrées ?
> L'instrumentarium musical des Khmers anciens à travers les danses de Shiva
Nous allons examiner, à travers cet article, la nature, la fonction et les décors des salles de danse de trois grands édifices religieux bâtis par la Triade Royale : Preah Khan d'Angkor, Banteay Kdei et Bayon tout en les comparant, pour les besoins de cette étude, à la galerie des danseuses d’Angkor
Vat. Nous faisons ici l’impasse sur le Ta Prohm, dont la salle de danse ne comporte aucune iconographie intérieure et sur Banteay Chhmar en ruine. Ces salles
sont parfois dénommées “salles aux danseuses” du fait des nombreuses représentations de danseuses, à l'exception de Ta Prohm. Plusieurs études ne concluent pas quant à leur destination
finale. Olivier Cunin (De Prohm au Bayon - Analyse comparative de l’histoire architecturale des principaux monuments du style du Bayon (Tome 1 - p.56) : « La fonction de ces
"salles aux danseuses" reste encore aujourd'hui une énigme. Les frises d'apsaras ou danseuses ornant l'intérieur de ce type de bâtiment sont à l'origine de leur appellation actuelle. Cette
dénomination, commode pour les désigner, fut avec le temps assimilé à leur fonction originelle. Ainsi, ces salles sont, de nos jours, couramment associées à l'exécution des danses rituelles qui
devaient être exécutées par le corps de danseuses associé aux grands complexes disposant d'un tel édifice. Ta Prohm, le Preah Khan d'Angkor, Banteay Kdei et Banteay Chmar sont les seuls complexes
de Jayavarman VII disposant d'une telle "salle aux danseuses". »
Nous relèverons ici une erreur d’interprétation concernant la désinence « frises d’apsaras » qui, selon nous, ne correspond pas à la réalité. Voir notre article : «
Apsaras ou danseuses sacrées ? ». Par ailleurs, si le Bayon ne dispose pas d’une grande salle de danse à l'image des
trois autres grands temples cités ci-avant, il disposent de huit espaces regroupant des caractéristiques semblables tant sur le plan de l’architecture (salles à colonnes situées à l’extérieur du
sanctuaire principal) que de l’iconographie (danseuses gravées sur les piliers intérieurs et maîtresses de danse sur les pilastres des entrées).
Aujourd’hui, de nouveaux indices apportent un éclairage nouveau sur la fonction parfois dite « énigmatique », ou plus exactement non confirmée, de ces espaces.
Dans sa thèse (De Prohm au Bayon (Tome I). Analyse comparative de l'histoire architecturale des principaux monuments du style du Bayon. p.55), l’architecte français Olivier Cunin décrit le dispositif architectural commun aux quatre édifices de Jayavarman VII évoqués plus haut : « Ces salles varient légèrement d'un monument à un autre, mais présentent toujours le même dispositif intérieur. Celui-ci est formé d'une galerie périphérique à bas-côté orienté vers l’intérieur formant un espace rectangulaire divisé en quatre courettes par deux galeries s'interpénétrant et se développant sur les axes longitudinal et transversal de cet ensemble. Ces galeries sont contrebutées de part et d'autre d'une demi-galerie et se connectent à la galerie périphérique. L'ensemble ainsi formé constituait un important espace couvert éclairé par quatre patios. Des accès sur l'axe longitudinal de l'édifice ainsi que dans le prolongement des tronçons longitudinaux de la galerie périphérique font partie des caractéristiques invariantes de ces salles. Ces entrées sont précédées d'un porche et peuvent être complétées d'entrées supplémentaires sur l'axe transversal de l'édifice. Lorsque ce n'est pas le cas, elles font place à des fausses portes similaires à celles ornant l'extrémité extérieure des tronçons transversaux de la galerie périphérique. Enfin, les murs de cette galerie périphérique peuvent être ajourés ou non de nombreuses fenêtres. »
Le Bayon, temple d'état sous le règne de la Triade royale (Jayavarman VII et les Jayarājadevī et Indradevī), comporte huit salles de danses réparties aux huit orients. À titre d'hypothèse, il se pourrait de chacune de ces salles fut dédiée aux populations des huit secteurs géographiques du royaume tels que définis par les inscriptions des huit alcôves de la tour centrale.
Dans les salles de danse des trois temples sus-cités montrent des représentations de danseuses. Il en est de même au Bayon sur les piliers de la galerie extérieure et des huit pavillons axiaux. Mais des piliers et des pilastres, à Banteay Kdei et au Bayon, montrent aussi des personnages que nous nommerons ici « maîtresses de danse ». Nous allons décrire succinctement les emplacements où elles sont représentées.
Au Bayon, des danseuses en grand format sont représentées en haut-relief sur les frontons des portes ouvrant sur la cour intérieure. Sur les piliers des pavillons axiaux situés
aux quatre orients principaux et aux quatre orients intermédiaires, des danseuses sont représentées seules, par deux en miroir ou par trois (une grande danseuse au registre supérieur et deux
plus petites au registre inférieur, en miroir). La galerie extérieure du Bayon est bordée de deux rangées de piliers. La majeure partie des quatre faces de la rangée intérieure est décorée d’une
danseuse. Quant aux pilastres des avant-corps de ces pavillons, ils sont gravés d’images de maîtresses de danse, plus rarement de danseuses en train de se préparer et, dans deux cas, d’une
harpiste.
Au Preah Khan, sur les frontons intérieurs de la salle aux danseuses, des frises en haut-relief représentent des danseuses en symétrie de part et d’autre une danseuse
centrale de plus grande taille. La plupart des piliers sont gravés de deux danseuses.
À Banteay Kdei, Les piliers de la salle de danse sont gravés de duos de danseuses.
Au Bayon et à Banteay Kdei, les pilastres des avant-corps des pavillons axiaux sont gravés, à l’intérieur et/ou à l’extérieur, de scènes montrant des maîtresses
de danse et, plus rarement, des musiciennes. Nous développerons plus loin les typologies détaillées de ces scènes.
Nous savons, d’après l’épigraphie qu’un grand nombre de serviteurs et notamment de danseuses était attachés aux temples. La stèle de Ta Prohm traduite par G. Cœdès (1906) révèle des chiffres
vertigineux :
LXIII ....... .. ... Il y a ici 400 hommes, 18 officiants principaux, 2 740 officiants
LXIV ... .......... 2 232 assistants, parmi lesquels 615 danseuses (nāṭikāḥ, नाटिका sk.)
LXV ......... ..... Au total 12 640 personnes, y compris ceux qui ont droit au logement
LXVI ..... ..... ... 66 625 hommes et femmes font là le service des dieux
LXVII... .... ..... Au total 79 365 avec les Birmans, les Chams, etc.
À Preah Khan (Stèle de Preah Khan, inscription K. 908), le nombre des danseuses est encore plus grand (Maxwell p.67)
4 606 hommes sont des cuisiniers et autres
2 298 servantes ; 1 000 danseuses sacrées (nāṭikāḥ, नाटिका sk.).
C'est en 1916, au cours du dégagement du soubassement du Phimeanakas ប្រាសាទភិមានអាកាស (le Palais royal de la Triade royale), qu’Henri Marchal exhume une grande stèle dont l'inscription sanskrite est référencée K.485. En 1942, G. Cœdès révise la traduction initiale de Louis Finot dans son deuxième volume des Inscriptions du Cambodge.
Il s'agit d'un poème dont l'auteure n'est autre que la reine Indradevī, seconde épouse du roi Jayavarman VII, et sœur cadette de Jayarājadevī, première épouse du roi. Il s'agit, en majeure partie, d'un panégyrique de cette dernière, retraçant sa biographie et rappelant ses bonnes œuvres. Sa composition semble le placer dans les dix dernières années du XIIe siècle. Ce texte est d'une importance capitale pour comprendre l'investissement de la reine Jayarājadevī dans la conduite du royaume, et notamment dans ses œuvres sociales et religieuses. L'iconographie du Bayon fait écho à ce texte, mais ce n'est pas ici notre propos de le démontrer. Toutefois, afin de comprendre l'importance de l'investissement de la reine, nous publions ici quelques-unes des stances du panégyrique de la reine. La stèle étant fragmentée, certaines stances sont incomplètes.
L. (…) toutes les pratiques ascétiques difficiles, elle les réussissait, les répétait, les désirait, les trouvait faciles…
LII. Sa beauté (…) brûlée par l'ascèse, mais non détruite ni diminuée…
LIV. Marchant (…) le neuvième jour, elle suivit le chemin (…) l'ascétisme (…) manifestant la conduite des épouses fidèles.
LIX. Instruite par sa sœur aînée Çri Indradevi, et considérant le Buddha comme le bien-aimé à atteindre, elle suivit le chemin calme du Sugata* qui passe au milieu du feu des tourments et de la mer des douleurs.
* Épithète du Buddha Gautama.
LXXI. La reine (…) se créant du mérite par l’abondance de ses richesses (…) prodiguant ses bienfaits à tous les êtres, appliquée au bien du monde (…)
LXXII. Ayant retrouvé son époux le roi des rois, reconnaissante, elle (déversa sur la terre) une pluie de dons magnifiques, semblable à une Gaṅga (descendue du ciel par suite de) son ascétisme.
LXXIII. (…) et son vœu, ayant réalisé le fruit bouddhique (…) elle chargea ses propres danseuses de jouer, de donner des représentations tirées des Jātaka**.
** Recueil de contes et d’histoires narrant les nombreuses vies antérieures de bouddhas, et notamment celles du bouddha historique Shakyamuni.
LXXIV (…) ceux qui, par suite de la décadence de l'Écriture, étaient distraits par les objets des sens, virent, grâce à elle qui s'était empressée d'en informer le roi, leurs liens (mondains) brisés, s'attachèrent à l'Écriture et atteignirent la qualité de dvija***.
*** C'est-à-dire jouirent de privilèges attachés aux trois castes supérieures.
La stance qui nous intéresse ici est la stance LXXIII. Elle nous éclaire sur plusieurs points :
Ce dernier point est le plus important car il permet de comprendre la complexité de la danse. Il ne s'agit pas de simples chorégraphies esthétiques. Les mouvements corporels tirés du Nâtya-Shâstra sont narratifs. Ainsi, par-delà la dimension d'offrande que représentait la danse à cette époque, la Reine, dans son élan spirituel et éducatif, utilise la danse comme outil d'enseignement. La stance LXXIV parle de “décadence de l'Écriture” et de “distraction par les objets des sens”. La danse est donc un outil d'enseignement parallèle à la lecture ou à l'écoute des textes sacrés. Une assertion renfoncée par la stance LXXI : “La reine (…) prodiguant ses bienfaits à tous les êtres, appliquée au bien du monde (…)”.
La complexité de la danse ancienne au service de la religion permet de mieux comprendre les chiffres vertigineux des danseuses des temples de Ta Prohm (615 danseuses) ou Preah Khan (1000 danseuses) mentionnés ci-avant. Ces chiffres reflètent, selon nous, à la fois les danseuses actives, mais aussi tout le cortège des filles en formation dès le plus jeune âge. Compte tenu de la complexité de la discipline, de nombreuses années d'entraînement sont requises. Pour exemple, dans le cadre du Ballet Royal du Cambodge contemporain, 10 à 15 années sont requises pour former une danseuse.
Le contenu de la stance LXXIII mentionnée ci-dessus est confirmée par au moins une occurrence iconographique solide au Bayon. L'entrée est, c'est-à-dire l'accès principal au temple d'état, est flanquée des deux reines : à gauche, Indradevī, auteur de la stèle du Phimeanakas, à droite, Jayarājadevī, dédicataire du texte. Aux pieds de cette dernière, une danseuse sacrée. Il existe de très nombreuses représentations des reines* au Bayon, mais celle-ci a cette particularité remarquable.
La reine Jayarājadevī doit être considérée comme la suprême maîtresse de danse pour l'ensemble des temples de l'époque du Bayon. Elle décidait des thématiques de la danse. Lorsque les Brahmanes étaient au pouvoir, la danse sacrée était dédiée aux divinités de l'hindouisme, mais sous le règne de la Triade royale, c'est au Bouddha et à la triade bouddhique que la reine Jayarājadevī dédia la danse.
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* Les reines ont été identifiées pour la première fois par Phalika Ngin (PhalikaN) et Gérard Maitrepierre. Qu'ils soient ici félicités pour cette extraordinaire découverte.
Peut-on envisager de définir la nature des personnels attachés au corps de ballet ? Nous l’avons déjà mentionné plus haut, l’iconographie des piliers des salles aux danseuses nous montre deux types de personnages :
En dehors de ces deux types de personnages, on trouve, au Bayon, de manière tout à fait exceptionnelle, deux harpistes isolées et une chanteuse accompagnée d’une harpiste, corroborant la nature des orchestres à cordes développé sur de plus larges bas-reliefs au Bayon et à Banteay Chhmar, dans d’autres contextes (musique de cour, de réjouissances notamment).
Nous venons d’évoquer l’existence de scènes représentant des danseuses (ou novices) rendant hommage ou écoutant une maîtresse de danse. La formation des danseuses et les répétitions devaient
représenter une part importante de l’emploi du temps du corps de ballet.
Durant la longue période brahmanique qui précéda l’avènement de la Triade Royale, la danse constituait une offrande
aux divinités de l’hindouisme au même titre que les offrandes matérielles. Mais à qui ces dansent s’adressaient-elles à l’époque de la Triade Royale ? La réponse est peut-être contenue dans le
décor des piliers des salles aux danseuses du Bayon et de Banteay Kdei. Dans ces deux temples, le Bouddha était systématiquement sculpté au-dessus de chaque danseuse. Mais presque tous
ont disparu. En effet, après la mort de Jayavarman VII, s’ensuivit une période iconoclaste avec le retour du brahmanisme shivaïte. Toutes les références iconographiques à la
triade bouddhique furent systématique effacées. Concernant les bouddhas représentés au-dessus des danseuses sur les piliers, cet effacement prit trois formes :
Certains d’entre eux ont toutefois été oubliés dans cette folie destructrice et nous sont parvenus intacts. Ils sont généralement situés dans des endroits moins visibles ou moins bien éclairés. Ils auraient échappé à la vigilance des contremaîtres chargés de la vérification des travaux de bûchage. À moins que des ouvriers en désaccord avec la hiérarchie brahmanique aient fait acte de désobéissance en omettant de les détruire. On peut raisonnablement penser que ces destructions aient pu être réalisées par des bouddhistes sous la contrainte des shivaïstes.
Le temple hindou est construit à l’image d’un univers parfaitement ordonné. Lorsque le dévot y pénètre, il parcourt en réalité un chemin initiatique à l’intérieur de son propre corps, tout en voyageant symboliquement à travers le système solaire. Dans le temple, une fonction de tout premier ordre est attribuée aux planètes de notre système solaire qui en comptait neuf à cette époque :
Dans le temple khmer, les planètes sont représentées par neuf divinités, Navagraha, appelés en khmer នពគ្រោះ (នព est le chiffre « neuf » du pali et du sanskrit tel qu’il est écrit en khmer, គ្រោះ désigne les corps célestes) ou ផ្កាយនពគ្រោះ (ផ្កាយ désigne de façon générique les corps célestes).
Celles du Bayon demeurent in situ dans les amoncellements de pierres taillées dans la cour ouest, près de l’entrée.
Quelle était la nature des danses rituelles dans les temples ? Katia Légeret, chercheuse spécialiste des danses classiques de l’Inde, nous éclaire quant à la vocation des danseuses de l’Inde
ancienne : « Durant des millénaires, le mythe de la Création s’est transmis oralement sous la forme d’une gestuelle symbolique qui allie danse, musique et poésie, autrement dit un
« théâtre total ». Les danseuses de temple accomplissaient régulièrement le rituel des neuf planètes. Le Nâtya-Shâstra, le traité le plus ancien consacré à l’art dramatique, n’envisage
ni la construction d’une scène ni une représentation publique sans une invocation préalable des planètes. Aujourd’hui encore, les danseuses de Bharata-Nâtyam par exemple, au début de chaque
spectacle, au moment de l’offrande des fleurs (pushpanjali), invoquent les planètes et les divinités des points cardinaux, sollicitant leur bienveillance. »
Cette cérémonie n’est pas sans rappeler les cérémonies aux ancêtres et aux maîtres, célébrées avant toute représentation « artistique » à caractère rituel ou performatif.
Revenons maintenant aux images autres que celles des danseuses en exercice, sculptées sur les piliers des « salles aux danseuses » et des pavillons axiaux du Bayon. Examinons-en quelques-unes.
Cette danseuse se regarde dans un miroir. Ses bracelets et son baudrier ne sont pas visibles. Devant elle, une boîte contenant ses effets. Bayon.
Cette image est de piètre qualité, mais l’essentiel de l’information est présent. La danseuse, assise à l’occidentale, est en train de se préparer. Elle porte les bijoux standards des danseuses de temple (couronne, collier, baudrier, brassards, bracelets, pendant d’oreille). Elle se regarde dans un miroir. Elle est aidée par une femme mûre reconnaissable à ses seins pendants ; son vêtement est borduré et décoré de fleurs à quatre pétales (pka chan).
Dans son ouvrage “Danseuses cambodgiennes anciennes et modernes” de 1913, George Groslier écrit : “les jours de fête, elles sont assistées d'un grand nombre d'habilleuses.”
Sur d’autres images, on découvre des danseuses rendant hommage à leur maîtresse de danse ou recevant des conseils. Cette pratique de l’hommage aux maîtres est toujours vivace dans le Cambodge contemporain.
Sur cette image, l'artiste nous apporte plusieurs informations. La présence du rideau révèle l’intimité du lieu. Le personnage assis sur le tabouret est une danseuse d’âge mûr. Elle est
coiffée du chignon traditionnel. Son ventre est rebondi et ses seins légèrement tombants. Son vêtement montre deux plis en triangle, typique de ceux des danseuses. Son bras droit courbé vers
l’extérieur est indéniablement celui d’une danseuse. Même si nombre de femmes khmères possèdent cette particularité anatomique, le travail de l’extension du bras au niveau du coude est l’un des
exercices auquel les danseuses doivent se soumettre au cours de leur formation. Elle fait partie de l’esthétique de la danse khmère jusqu’à nos jours. Son index tendu indique qu’elle parle ;
ici elle prodigue probablement des conseils à son élève.
L’élève est assise sur le sol en signe de soumission à l’autorité, sentiment accentué par le dos vouté. Ses deux bras sont repliés en signe d’écoute (représentation canonique). Ses cheveux courts
mentionnent qu’elle est célibataire.
Sous le tabouret, une aiguière et un récipient.
Ce personnage est insolite. Il semble être bien en chair. En effet, entre son menton et ce que nous supposons être deux colliers, la peau du cou forme un bourrelet, son sein est gros. Ses cheveux semblent tressés, son sourcil est épais. Le sculpteur a représenté la pupille de l’œil, ce qui est inhabituel dans ce type de sculpture. Le décor des bracelets est inhabituel. (Compte tenu de la dégradation de la sculpture, nous ne garantissons pas l’exactitude du détourage).
Cette maîtresse de danse semble prodiguer des conseils à une danseuse en action. Sa main est levée mais son index n’est pas pointé. Ce cas est inhabituel puisque la communication verbale ou chantée s’accompagne généralement d’un index pointant. En revanche, sa bouche est ouverte.
Cette image présente les mêmes ingrédients généraux que la précédente mais la position de la maîtresse diffère. Elle ne prodigue pas ouvertement de conseils. Il semble plutôt s’agir d’un échange
verbal. La main de l’élève est en contact avec le genou de la maîtresse, renforçant le caractère intime de l’échange. Diffèrent également les objets au pied du tabouret. Il pourrait s’agir ici
d’un nécessaire à préparer des chiques de bétel.
Sur cette image, la maîtresse de danse écoute son élève assise devant elle. Elle a les mains jointes en signe de respect, mais le dos droit. On remarquera le décor floral du rideau et la facture du chignon. Le sculpteur a utilisé des lignes continues pour signifier les cheveux et le décor du vêtement faisant penser à un travail inachevé mais finalement très esthétique. Au pied du tabouret, une aiguière et une boîte.
Les positions corporelles des maîtresses de danse sont diverses. Certaines montrent clairement leur rôle vis-à-vis des danseuses sacrées.
Il existe une grande hétérogénéité dans la qualité de la sculpture, mais les attitudes et le message qu’elles portent sont parfaitement identifiables.
Deux attitudes couplées à l’expression des visages, se dégagent :
Sur l'image ci-contre, la maîtresse de danse au caractère semble-t-il bien trempé tient une badine ! Son usage chez les maîtresses et maîtres de danse du Cambodge est toujours d'actualité (vidéo ci-contre). Elle sert à marquer l'autorité de la maîtresse de danse, à corriger les positions des danseuses ou encore à frapper la pulsation musicale.
Dans son ouvrage “Danseuses cambodgiennes anciennes et modernes” de 1913, George Groslier écrit : “Les scènes sont apprises au son du tam-tam (tambour). Sévères et attentives, quinze maîtresses surveillent actuellement (sous le règne de S. M. Sisowath) les répétitions. Elles ont différents grades (…) Ce sont d'anciennes danseuses et premières danseuses que l'âge a chassées du ballet. Un partie habite au Palais et constitue la garde incessante des danseuses. Elles punissent de coups de rotin cinglants les fautes, les inattentions ou les mauvaises volontés des élèves.”
De l'usage raisonné de la badine en 2020.
Maîtresse de danse à la badine. Bayon.
Pour la période du Bayon, nous ne disposons pas de textes décrivant la composition des personnels au service des divinités. Les seuls textes connus remontent au IXe siècle. Certes, nous sommes trois siècles plus tard, en contexte bouddhique et non plus totalement brahmanique, mais un certain nombre d’éléments structurels semblent inchangés :
Des personnages féminins, aux orients de la salle des danseuses de Banteay Kdei pourraient être des inspectrices et des maîtresses de danse. L’image de l’une d’entre elles, côté Sud, est
particulièrement soignée. Son chignon est ornementé d’accessoires décoratifs de nature indéfinissable.
On peut voir, à travers la présence de cette iconographie particulière, le contrôle des allées et venues des danseuses et de l’orchestre dans l’espace rituel. Jusqu’à ce jour, les maîtresses de
danse et de musique sont respectées par leurs disciples selon des codes stricts qui transparaissent dans ces images. Notons qu’à l’époque angkorienne, l’image a une force spirituelle ou magique.
Elle n’en est d’ailleurs pas moindre aujourd’hui. Les dévots ne se prosternent-ils pas devant les images en deux ou trois dimensions du Bouddha, de divinités diverses ou de la royauté ? La
présence, aux quatre orients, d’inspectrices et/ou de maîtresses de danse n’est donc pas innocente. Il convient alors de considérer cet indice comme une présomption de preuve que ces vastes
salles étaient destinées à des rituels d’offrandes dont la danse, les chants et la musique constituaient une composante indispensable.
Bien que cette page soit consacrée aux salles aux danseuses de l'époque du Bayon, il nous a paru intéressant de faire un parallèle avec Angkor Vat. Dans ce temple, au plus exactement ce mausolée du début du XIIe siècle érigé par le roi Suryavarman II, la « galerie aux danseuses » située à l’ouest, juste après avoir passé la douve, est riche de personnages féminins, jeunes, assis, semblant contrôler les entrées et sorties ouest et est ainsi que les passages entre les diverses sections intérieures de ladite galerie. Ce qui différencie les maîtresses de danse du Bayon de celles d’Angkor Vat, c’est leur jeunesse apparente. En effet, leurs seins sont fermes et non pendants comme dans les temples de l’époque de la Triade Royale. Si nous examinons les attributs des maîtresses de danse d’Angkor Vat, nous constatons que certaines d’entre elles portent le même symbole de pouvoir que le roi Suryavarman II représenté en majesté dans la galerie Sud. Les princes, princesses et certaines femmes d'Angkor (usuellement dénommées devatas), peut-être de sang royal, portent ce même emblème. Les textes épigraphiques nous enseignent que la danse et la musique faisaient partie des vertus des personnes bien éduquées. Aussi il est imaginable que le contrôle du bon enseignement de la danse était confié à des femmes de sang royal. Par ailleurs, si l’on compare la représentation de ces maîtresses de danse, disons provisoirement de sang royal, avec la représentation des personnages des bas-reliefs du paradis et des enfers (galerie sud), on constate que le corps des femmes qui vont au paradis n’a pas vieilli alors que celles qui vont aux enfers ont les seins pendants. Cette représentation de la jeunesse corporelle malgré un âge avancé pourrait être la clé de compréhension de la jeunesse apparente des maîtresses de danses d’Angkor Vat.
Les maîtresses de danse d’Angkor Vat, s’il en est, ne sont pas représentées face à leur élève statique mais face aux danseuses en action. Aucune n’est représentée avec des accessoires extérieurs
comme une aiguière ou une boîte. Aucune ne s’exprime verbalement (index tendu non représenté). Soit elles sont en position d’écoute, soit elles tiennent une fleur de lotus non éclose ou autre
chose.
Mais il pourrait également s’agir d’un panel de personnages divers : des élèves, des danseuses au repos (celle avec l’éventail ?), des maîtresses de danse ou des
inspectrices.
Sur l’image 01 on peut discerner une différence de statut entre les deux personnages. Celle de gauche est représentée plus haut, sa coiffure et son vêtement semblent plus riches.
Sur l’image 02, le personnage tient un objet semblable à celui du roi Suryavarman II. Il pourrait donc s’agir d’un emblème de pouvoir ; le personnage serait alors quelqu’un de la cour.
Sur l’image 03 le personnage tient quelque d’indéfinissable dans sa main gauche.
Le personnage de l’image 04 tient un éventail.
Le personnage de l’image 05 tient un bouton de fleur de lotus.
Le personnage 06 semble juvénile. Il est de petite taille. Il tient quelque chose d’indéfinissable dans sa main droite près de sa bouche. Son coude droit est également très bas par rapport à son genou.
Les personnages 07 à 09, ont le bras arqué.
On peut aussi comparer les coiffures avec celles des danseuses. Parfois certaines d’entre elles semblent moins riches.
Dans l’ensemble des quatre grands temples de l’époque du Bayon, les salles aux danseuses se situent en amont du sanctuaire central en entrant par l’Est. Elles pouvaient certes être contournées. À Angkor Vat, la galerie aux danseuses est le premier espace à traverser en venant de l’Ouest (ce temple est normalement orienté ainsi). Dans tous les cas, la situation des salles aux danseuses semble nous dire qu’il y avait là des rituels d’offrandes dans lesquels la danse avait une place prépondérante. Cela pourrait peut-être indiquer que le commun des mortels n’avait pas accès au reste du temple et devait faire ses offrandes en ces lieux ou à proximité. La présence du grand Vishnu d’Angkor Vat pourrait en être une présomption de preuve.
La diversité qualitative des sculptures des maîtresses de danse pose question tant au Bayon qu’à Banteay Kdei. La sensation qui s’en dégage est celle d’un laboratoire de sculpture où se seraient exercés des sculpteurs novices. En revanche, à Angkor Vat, la sculpture est très soignée, à l’image de celle des danseuses.
Sur les murs et les piliers des grands temples angkoriens, s’alignent des centaines de danseuses représentées dans des positions tout à fait différentes de celles des apsaras proprement
dites. Le plus grand nombre de représentations se situe notamment au niveau des salles de danse et, pour le Bayon et Angkor Vat, dans les galeries extérieures.
La position des danseuses correspond à un canon constant aux XIIe et XIIIe s. Un pied est posé au sol, un autre relevé, jambes fléchies, deux bras en l’air ou un bras en l’air et un en bas. Il
s’agit, selon nous, non seulement d’un canon de représentation, mais d’une position de base des danses narratives à caractère religieux. Nous entendons par « danse narrative » un corpus
chorégraphique capable de remplacer les mots et la syntaxe d’un texte pour décrire une situation ou raconter une histoire. La danse religieuse est, à l’instar du verbe, un outil de communication
avec les divinités. Aux mots se substituent les gestes des mains (mudrâ/sceau) et un ensemble de positions corporelles. Dans la tradition de l’Inde du Sud, les mudrâ renforcent
la parole sacrée (mantra) ou une intention mentale (bhavana) lorsqu’elle existe.
On peut s’étonner de la longévité de l’existence des danseuses dans les temples hindous. Quels étaient les moteurs d’un tel engouement ? Si la danse était offerte comme divertissement pour
les dieux, quel était le bénéfice pour les dévots ? Si l’argument de la démarche religieuse semble insuffisant, alors la réponse est plurielle.
Il est une composante universelle de l’humanité : la beauté. Elle attire et unit. L’art existe sous toutes les latitudes. Ses premières traces tangibles remontent au Paléolithique supérieur
avec les peintures rupestres. La musique et la danse étaient déjà des concepts existants à cette époque. Même si la danse est offerte aux divinités, la plastique des corps en mouvement et les
parures sont depuis toujours une source d’émerveillement pour les “spectateurs” et une performance sociale (parfois compétitive) pour les danseuses. Elle constituait, et constitue toujours, un
divertissement de choix. Dans les temples, pour les hommes (et dans une moindre mesure pour les femmes, selon l’orientation sexuelle), le corps des danseuses était source de fantasme et de
désir. Ces derniers ont inévitablement conduits au dépassement de la ligne blanche et à l’interdiction des devadasi dans les temples hindous par les pudibonds colons anglais au
milieu du XIXe siècle en Inde. La meilleure preuve de la pertinence du propos est que suite à cette interdiction, certaines de ces danseuses se sont reconverties en portant
leur art sur la scène. Un art de la “danse classique indienne” aujourd’hui reconnu internationalement. Ces danses portent des noms divers selon les régions de l’Inde :
Bharatanatyam, Kathak, Kuchipudi, Odissi, Kathakali, Sattriya, Manipuri, Mohiniyattam, Chhau, Yakshagana
et Bhagavata Mela.
Une autre raison, pour les temples, de maintenir des danseuses, découle de la première. Une compétition avec, au centre, la beauté, et l'objectif d’attirer les dévots et leurs donations. Cet
argument demeure vivant au XXIe siècle, quelle que soit la religion. Même si les centres religieux (églises, mosquées, temples, pagodes, synagogues) ont pour vocation première de
servir les intérêts de la population d’une aire géographique de proximité, une compétition entre les centres religieux voisins, voire éloignés, existe bel et bien. À l’époque angkorienne, la
compétitivité entre les temples était probablement moins cruciale car les moyens de transport étaient inexistants et, par conséquent, les distances à parcourir à pied nécessitaient un effort
physique supplémentaire pour aller plus loin.
Grâce à un bas-relief situé dans la salle de danse sud-est du Bayon, nous savons que les danseuses sacrées dansaient sur la musique d'un orchestre à cordes. Ceci ne constitue en rien une découverte, mais confirme la continuité d'une pratique qui prend sa source en Inde, continue à Sambor Prei Kuk et dans les temples du groupe de Roluos, pour les rares témoignages iconographiques et épigraphiques qui nous soient parvenus.
Si les salles de danse des trois temples étudiés (Bayon, Banteay Kdei, Preah Khan) montrent pléthores de danseuses sacrées et de maîtresses de danse, la musique est la grande absente, malgré sa nécessité impérieuse.
À proximité des salles de danse, nous ne connaissons que les deux harpes de l’avant-corps sud-est du Bayon, une harpe sur un pilier au niveau de la galerie extérieure est du Bayon, aile sud et un bas-relief représentant un orchestre dans la pièce adjacente à la salle de danse sud-est de ce même temple.
Dans les temps plus anciens, les seuls textes épigraphiques évoquant les instruments de musique dans les sanctuaires hindous datent du IXe s. (groupe de Roluos). Ils mentionnent des cithares, des
harpes, des luths, des cymbalettes, des racles et des percussions de nature inconnue. Toutefois, des instruments sculptés en dehors de salles aux danseuses nous informent sur leur nature et
leur forme générale. Des instruments de même nature sont semble-t-il utilisés à la fois à la cour et dans les temples. De rares sculptures du Bayon et du Preah Khan d’Angkor nous montrent des
ensembles composés de cithares, harpes et cymbalettes. D’autres instruments existaient très certainement mais ne sont jamais représentés comme par exemple le racle, présent dans les orchestres de
cour et cité par l’épigraphie du groupe de Roluos et les tambours.
Mais revenons à la harpe du Bayon. Il s’agit d’une harpe arquée, modèle standard de l’époque angkorienne. Le nombre de cordes est
relativement indéfini. Toutefois, malgré la médiocrité de l’image, le graveur a représenté les chevilles d’accordage et un pied situé à l’avant de la caisse de résonance. Au-dessus de la
harpiste, une chanteuse reconnaissable à sa bouche ouverte et son doigt tendu.
Le lieu où se trouve ce bas-relief est exigu. La pierre sur laquelle est sculpté cette scène obture un accès à la salle de danse sud-est du Bayon. Il semble s'agir d'une série de blocs de remploi car ils comportent de nombreux trous à usage technique, tels le transport et le polissage des faces jointives. Généralement, les bas-reliefs sont sculptés sur des faces vierges.
Depuis longtemps, nous nous interrogions sur l'emplacement occupé par les musicien.nes et les chanteur.ses chargés de l'animation des danses sacrées. La salle de danse sud-est du Bayon semble nous offrir la meilleure des réponses. Nous avons dit plus haut que la porte d'accès au vestibule adjacent au nord la salle de danse sud-est avait été condamnée (ce qui est également cas des portes des sept autres salles de danse). Selon Olivier Cunin, il s'agit d'une technique de construction et cette fausse-porte aurait été naturellement obstruée dès l'origine. L'étude de ce bas-relief, en regard de l'architecture de la salle de danse sud-est et ses vestibules adjacents, montre que le sculpteur a représenté les lieux en les dépliant et en arrangeant la perspective. Les musiciens, les danseuses et les invités sont montrés tantôt devant, tantôt derrière les piliers. Vu de l'extérieur, il existe sept baies mais ici, pour des raisons de place, seulement cinq. La baie centrale constitue la salle de danse. Vu de l'extérieur, le toit et ses décors ont disparu, mais les chapiteaux des piliers intérieurs correspondent parfaitement à ceux de la salle de danse et des vestibules adjacents. Nous pensons donc que les musiciens et chanteuses prenaient place dans le vestibule nord, là où se situe ce bas-relief.
À l'époque du Bayon, toutes les salles étaient couvertes et la proximité de l'orchestre avec les danseuses est parfaitement cohérente. Nous savons que les instruments à cordes que sont la cithare monocorde et la harpe sont peu puissants, mais le chant et les percussions suffisent à guider les danseuses. Nous avons évoqué par ailleurs que les orchestres à cordes des Khmers anciens ne montrent jamais les tambours. Or nous pensons que des tambours faisaient partie de tous les orchestres à cordes, fussent-ils religieux ou palatins.
Cette affirmation, certes péremptoire, est attestée par le fait que tous les orchestres à cordes de l'Inde à l'époque Gupta (Ve s.), de Borobudur, Java (IXe s.), de Roluos (épigraphie du IXe s.), Cham, Vietnam (VIIIe-Xe s.), d'Ayutthaya, Siam (XVIIIe s.)… possèdent des tambours. En effet, il y a toujours un tambour conducteur qui fait le lien entre les danseuses et l'orchestre, un chef d'orchestre en quelque sorte. Même si les musiciens à cordes ne voyaient pas les danseuses, ils se contentaient de suivre les indications du tambourinaire et le tambourinaire suivait les danseuses. Aujourd'hui le tambour samphor est le chef de l'orchestre pin peat. Dans le pin peat mobile du Palais royal de Phnom Penh, monté sur roues, le samphor est devant et le skor thom juste derrière.
Les éléments iconographiques de décor des piliers et des piédroits des salles de danse démontrent que :
Les salles de danse étaient donc très certainement des lieux où les dévots venaient prier, faire des offrandes et recevaient une “éducation religieuse” à l'instigation de la reine Jayarājadevī à travers les Jātaka, à la lumière de la stance LXXIII de la grande stèle du Phimeanakas (K.485). La danse est une offrande faite aux divinités, au même titre que les nourritures, les parfums, la lumière ou les fleurs.
Si nous sommes dans un cadre bouddhique, il ne faut pas oublier que le Preah Khan d'Angkor et Ta Prohm étaient des temples dédiés respectivement au père et à la mère du roi Jayavarman VII et à quelques personnages illustres. Le culte était donc rendu à la fois à la triade bouddhique et aux défunts.