Cirque et divertissements profanes au temps d'Angkor

MAJ: 3 décembre 2023


À travers l'iconographie

L'iconographie angkorienne nous offre quelques exemples de divertissements populaires à caractère profane. Certes, il n'est pas toujours aisé de distinguer le profane du sacré, mais dans les cas relatés ici, il semble que la séparation idéologique existe bien.

La danse fait partie des divertissements. On en reconnaît au moins deux formes : celle, acrobatique, réalisée par un bouffon qui lève la jambe à hauteur de la tête et celles accompagnées de libations de bière de riz. Les combats d'animaux (coqs, porcs, rhinocéros ?) et la lutte entre hommes, à mains nues ou avec arme blanche. Les “arts du cirque” se nourrissent montrent des jongleurs, des acrobates, des funambules, des dresseurs de tigre, de cobra et des jeux d'adresse. Les échecs font également partie des divertissements. Le roi Suryavarman II lui-même est présenté en train d'y jouer.


Angkor Vat & Bayon : combats de coqs

Bayon : combats de porcs

Combats de rhinocéros ?

Angkor Vat & Bayon : échecs

Angkor Vat scène sous scènes sexuelles

Angkor Vat pavillon sud ouest, enivrement et danses profanes

Bayon : piliers de l'entrée est

En cours de rédaction


Bayon, galerie extérieure nord, aile ouest : Scène du cirque

L'image la plus emblématique du cirque et des divertissement se trouve dans la galerie extérieure nord, aile ouest, du Bayon. On y voit six scènes distinctes :

  1. En haut à gauche, des lutteurs.
  2. En haut à droite : des hommes armés de sabres et de boucliers s'affrontent.
  3. En haut au centre : un funambule.
  4. En bas au centre gauche : un homme couché sur le dos, fait tourner une roue avec ses pieds.
  5. En bas au centre : des acrobates.
  6. En bas, à gauche et à droite : des chanteurs accompagnés d'un orchestre à cordes s'affrontent à travers une joute chantée.

Le jongleur

La scène ci-dessous provient de la chapelle Ta Prohm Kel située à l’ouest du temple d’Angkor Vat. Il s’agit du sanctuaire de l’un des hôpitaux de Jayavarman VII. On y découvre un personnage jonglant avec des balles. Il est accompagné, de gauche à droite, par des cymbalettes, une cithare sur bâton à double résonateur (peut-être une cithare à frettes ?) et un tambour en sablier. Si l’on rapproche cette scène de la précédente, de même époque, seule la harpe est absente.

L’avaleuse de couteaux

Ce scène présente une avaleuse de couteaux accompagnée d’une femme frappant un petit tambour en tonneau, et d’une autre entrechoquant des cymbalettes. Le tambour est maintenu par une sangle passant autour des hanches. Il pourrait s’agir d’artistes itinérants tels qu’il en existe aujourd’hui encore en Inde et au Népal.

Avaleuse de couteaux. Au pied de la terrasse de Yama, plus connue sous le nom de “Terrasse du roi lépreux”. XIIIe s.


Danses acrobatiques

Certaines scènes provenant du Bayon et de Banteay Chhmar présentent des orchestres de structures semblables, animant des danses que l’on pourrait qualifier d’acrobatiques. Rassembler et comparer toute l’iconographie connue permet à la fois de confondre le réalisme des situations, d’analyser la structure des orchestres et de compléter les données iconographiques parfois manquantes du fait de la dégradation des bas-reliefs.
Dans la mythologie indienne, les postures de danse présentées dans les scènes 1 à 4 avec une jambe levée à la verticale et le bras opposé monté au-dessus de la tête, étaient dénommées ūrdhvatāṇḍava (sanskrit). Elles évoquaient la victoire de Śiva dans une compétition de danse avec Kālī.
Ces bas-reliefs appartiennent à l’iconographie de deux temples originellement bouddhiques mais partiellement complétés et remaniés dans leur iconographie par les Hindous : Bayon et Banteay Chhmar. La signification de ces danses est certainement différente de celle des origines indiennes si tant est qu’il existât, d’ailleurs, un lien. Ces quatre scènes montrent le même ensemble instrumental disposé de manière similaire avec, de gauche à droite : un joueur de cymbalettes (l’instrument n’est pas toujours visible mais sa présence fait peu de doute), un harpiste, un cithariste. Sur la scène 1, la harpe est répliquée. Sur la scène 2, la présence d’un visage à l’arrière-plan du cithariste peut laisser penser à la présence d’une seconde cithare. Les quatre danseurs portent un bâton. Un personnage, probablement un chanteur, touche du doigt la jambe ou le pied du danseur, sauf scène 3. Les danseurs portent une ceinture-sonnailles, certains un collier de grelots. Les danseurs 3 et 4 ont comme attribut, en plus du bâton, une queue de cheval. On voit également, mais de manière inégale, des éléments architecturaux — piliers, plafond, tentures — et des spectateurs. Le harpiste occupe une position dominante par sa taille ou la scénographie. Il se pourrait qu’il fût hiérarchiquement le chef des musiciens. Compte tenu de la dégradation de la sculpture, il n’est pas toujours possible de définir le sexe des personnages.
La scène 2 comporte des anomalies cocasses. Le joueur de cymbalettes est doté de deux mains droites et montre ses dents, fait très inhabituel, mais existant par ailleurs. Quant au bras gauche du harpiste, au lieu de passer derrière la harpe, mode normal de jeu, il passe devant, ce qui semble vouloir dire qu’il est lui aussi doté de deux mains droites. De plus, le nombre de cordes de son instrument ne correspond à aucune réalité tangible. Quant à la position du joueur de cithare, vu de dos, elle est inappropriée car son bras gauche devrait être en haut, or il se trouve en bas. Toujours à propos de la cithare représentée de profil, la partie inférieure du bâton devrait être relevée pour y accrocher la corde, or elle s’arrête net. Visiblement, tous les musiciens sont souriants, ce qui n'est pas commun.

 

1. Ce danseur n’a pas de queue de cheval qui pend mais il se pourrait qu’elle soit quand même représentée derrière lui, comme suspendue dans la dynamique de la danse. Bayon.
1. Ce danseur n’a pas de queue de cheval qui pend mais il se pourrait qu’elle soit quand même représentée derrière lui, comme suspendue dans la dynamique de la danse. Bayon.
2. Cette scène est truffée d’anomalies glissées volontairement par le sculpteur, ce qui pourrait laisser penser que le danseur est un bouffon auquel l’artiste s’est peut-être identifié. Bayon.
2. Cette scène est truffée d’anomalies glissées volontairement par le sculpteur, ce qui pourrait laisser penser que le danseur est un bouffon auquel l’artiste s’est peut-être identifié. Bayon.

3. Le danseur principal est accompagné de deux danseurs secondaires, à moins qu’il ne s’agisse de deux chanteurs qui se mettent à danser, ce qui éclairerait la présence de deux chanteurs dans la scène 4. Banteay Chhmar.
3. Le danseur principal est accompagné de deux danseurs secondaires, à moins qu’il ne s’agisse de deux chanteurs qui se mettent à danser, ce qui éclairerait la présence de deux chanteurs dans la scène 4. Banteay Chhmar.
4. Le personnage derrière la harpe est un chanteur. Banteay Chhmar.
4. Le personnage derrière la harpe est un chanteur. Banteay Chhmar.

Deux autres scènes provenant de ces deux mêmes temples présentent des orchestres similaires. Toutefois les danseurs ont des positions différentes.
Sur la scène 5, le danseur a, comme précédemment, une queue de cheval et des sabots à la place des mains. Ces deux scènes sont liées par l’image du cheval, à l'instar des scènes 3 et 4. Il est délicat de tirer une quelconque conclusion quant à la nature de ces scènes, mais on pourrait avancer, à titre d’hypothèse, qu’il s’agit de danses de bouffons. Une stèle du début du XIIe s. mentionne quatre termes décrivant les protagonistes de ces scènes : [rmmāṃ caṃryyāṅ smevya tūryya] danseurs, chanteurs, bouffons, musiciens.

 

5. Ce bas-relief est très imparfait dans sa facture. Toutefois, le sculpteur semble avoir souhaité faire apparaître deux harpes et deux cithares sans toutefois représenter le second instrument. On remarquera la queue de cheval du danseur, sa ceinture de grelots et ses mains qui semblent remplacées par deux sabots. Bayon.

6. La partie sommitale de la harpe se termine par une tête de Garuda. Banteay Chhmar.
6. La partie sommitale de la harpe se termine par une tête de Garuda. Banteay Chhmar.

À travers l'épigraphie et les textes anciens

Cheou Ta Kuan funambules, feux d'artifice (en cours de rédaction)