MAJ : 3 décembre 2023
Comparativement au Bayon, le temple de Banteay Chhmar compte un nombre restreint d'orchestres, concentrés sur le mur de la galerie occidentale. En revanche, l'un des orchestres est atypique et nombre un instrument totalement absent ailleurs : un carillon de tambours et un hautbois. C'est une découverte récente (2020) car cette partie du mur occidental était encore dans les décombres avant cette date. Sur les images ci-contre, on peut voir le mur à bas-relief historié de la galerie et les piliers de soutènement du toit aujourd'hui disparu.
Cet ensemble se trouve sur le mur de la galerie ouest. La précision organologique n'est pas rigoureuse, toutefois, tous les instruments peuvent être identifiés (G. à D.) : un tambour en gobelet, un tambour en sablier, une paire de trompes, une paire de cymbales, une conque, un tambour sur portant frappé par le porteur postérieur. Ce sont les instruments classiques connus depuis l'époque du Baphuon et d'Angkor Vat.
Ce bas-relief est en mauvais état. On distingue un tambour sur portant frappé par un petit personnage dansant, comme on peut en voir de nombreux au Bayon, et peut-être une trompe ou une conque dans la perspective du tambour.
Cet orchestre n'est composé que de deux instruments : un tambour sur portant et une conque. Sa représentation pourrait laisser supposer qu'il s'agit d'un grand gong à mamelon, mais il n'en est rien car, comme nous l'avons expliqué dans la rubrique consacrée aux tambours sur portant, il n'est attaché que par un seul point. Si l'on voit clairement les deux porteurs, le tambourinaire n'est en revanche pas visible. La barre de portage se termine par des nagas polycéphales.
La conque n'est pas visible, mais la position du musicien, à l'arrière du tambour, est caractéristique.
L'image du plan général éclaire le contexte de la présence de cet orchestre. Si les instruments appartiennent à l'orchestre martial, il ne s'agit pas d'une scène de guerre, mais de l'accompagnement du feu sacré, à l'instar de la célèbre scène d'Angkor Vat, troisième galerie sud, aile ouest. Devant la divinité, deux hommes se prosternent, suivis de soldats avec lance et bouclier rectangulaire, de porteurs d'oriflammes, puis l'orchestre, des porteurs de trois types d'éventails, le feu sacré, un brahmane dans un palanquin avec auvent, des femmes coiffées de tiares similaires à celles des danseuses sacrées.
Cet ensemble est réduit à un tambour sur portant frappé par un petit personnage dansant, comme on peut en voir de nombreux au Bayon, et une corne peut-être faite avec une corne de buffle voire une défense d'éléphant. Sa forme est parfaitement dessinée : belle courbe, évasement et arrêt droit, tandis que d'autres modèle présente une sorte de gueule de makara stylisé.
Nous n'avons découvert cet ensemble martial qu'en 2020, suite au remontage du mur d'enceinte occidental. Il apporte la découverte inattendue d'un instrument inconnu ailleurs dans l'iconographie angkorienne : un carillon de tambours. Le bas-relief est endommagé, mais la plupart des instruments sont identifiables si l'on compare cet orchestre à d'autres occurrences.
De gauche à droite :
Cet orchestre est pour le moins singulier quant à sa composition et sa réalisation. Le premier musicien, à droite, semble jouer du hautbois, reconnaissable à ce que nous pouvons considérer comme une anche et sa pirouette en forme d'ailes de chauve-souris déployées. L'apparition de cet instrument au XIIe siècle, ici à Banteay Chhmar, alors que dans aucun autre temple il n'apparaît est surprenante. Nous connaissions les représentations de hautbois du milieu du XVIe siècle dans la galerie nord d'Angkor Vat.
Dans les autres orchestres martiaux, (Angkor Vat, Bayon) l'instrument qui accompagne naturellement la trompe est la conque. Il existe au moins deux occurrences contemporaines d'un mixage trompe/hautbois chez les Damaï du Népal et chez ls bouddhistes tibétains.
Autres musiciens et instruments de droite à gauche :
En conclusion : il est difficile de réfuter la présence d'un hautbois dans cet ensemble. Toutefois, la présence de ce tambour cylindrique tenu verticalement jette le trouble sur la connaissance de l'organologie des instruments par le sculpteur. Néanmoins, même s'il ne s'agissait pas d'un hautbois, l'artiste avait nécessairement vu un tel instrument pour représenter son anche et sa pirouette aux ailes de chauve-souris déployées.