MAJ : 1er décembre 2023
Les Chams, à l’instar des Khmers, furent hindouisés puis bouddhisés. L'iconographie du VIIIe au Xe siècle offre quelques exemples de représentations de harpes dont la plupart sont aujourd’hui conservées au Musée Cham de Đà Nẵng (Vietnam).
Il s’agit, comme au Cambodge, de harpes arquées. Les orchestres à cordes sont les mêmes que ceux des Khmers : cithare monocorde, harpe, cymbales, flûte et tambours. Ils sont par ailleurs similaires aux ensembles musicaux représentés dans la sculpture de Borobudur.
Ce tympan — c. début Xe s. — provenant de Phong Lệ, représente une Danse de Śiva. La danse est animée par une musicienne percutant trois tambours en tonneau et une harpiste jouant une harpe arquée représentée dans sa plus simple expression, c'est-à-dire un arc grossier et un plan de cordes. Au-dessus de chacune des musiciennes, trois orants dont les jambes sont remplacées par des “écailles”. Autour de la harpiste, les deux personnages à l'écoute ont le bras droit en sur-extension, à l'image de ceux des danseuses khmères.
Le “Piédestal de Mỹ Sơn” — seconde moitié du VIIe siècle — est une œuvre majeure de l'art cham. Il supportait originellement un linga au centre du temple de brique E1 de Mỹ Sơn. Son décor représente le mont Kailāsa, résidence du dieu Śiva. Dans ses forêts et ses grottes, vivent des ascètes dont les activités sont représentées par des niches et des panneaux séparés par de petits pilastres.
Ce piédestal revêt un intérêt particulier pour l'étude de l'instrumentarium musical des Chams et des Khmers, car les instruments de musique utilisés par ces deux sociétés étaient similaires à cette époque. Cependant, les Khmers ont laissé peu de témoignages iconographiques entre le VIIe et le Xe siècle. C'est ici que l'art cham vient partiellement pallier ce manque.
Plusieurs instruments de musique ornent ce piédestal : une harpe, une cithare monocorde, deux flûtes à embouchure latérale (traversières) et un ensemble de trois tambours en tonneau. Ces instruments sont similaires à ceux de l'Inde des Gupta. La liste des instruments de musique de Lolei, demeurée obscure du fait de l'indétermination de plusieurs instruments, peut être rapprochée à la fois de l'iconographie instrumentale de Sambor Prei Kuk, de Borobudur et du présent piédestal. Bien que les instruments soient montrés comme des éléments indépendants dans chaque niche, il faut les considérer comme les instruments d'un orchestre cohérent. Il manque toutefois les cymbalettes et le racle. Pour mémoire, l'orchestre du Vat Ang Khna de Sambor Prei Kuk, (VIIe s.) comporte lui aussi deux flûtes à embouchure latérale.
Le harpiste se situe sur la face principale du piédestal. Il a les jambes croisées, une position permettant de stabiliser l'instrument pendant le jeu. Le sculpteur a parfaitement perçu le centre de gravité de la harpe. Outre le pendant d'oreille et la besace, on remarquera la très belle coiffure du musicien : les mèches tressées sont maintenues dressées entre deux nattes horizontales pour ensuite retomber en panache.
Le plan de cordes de la harpe n'est pas représenté, ce qui constitue une exception. Le volume de la caisse de résonance naviforme est modeste. Le sculpteur a décidé, pour des raisons de solidité, de solidariser le manche de la harpe avec le pilastre et de se jouer de sa forme. Le manche de la véritable harpe était certainement plus arqué. Il se termine par une volute à la manière des instruments de la dynastie Gupta, tout particulièrement celui de la scène de Pawāyā. Nous ignorons de combien de cordes disposait cet instrument. L'instrument de Pawāyā en montre sept et nos propres reconstitutions des harpes préangkoriennes démontrent qu'elles pouvaient en accueillir jusqu'à une douzaine.
Cet ensemble monumental des IXe-Xe siècles figure des princes et des princesses. Il comporte aussi des panneaux illustrant la vie du Bouddha et parfois une existence antérieure. Le piédestal est surmonté d'une grande statue de l'Illuminé assis à l'occidentale.
Parmi ces panneaux, l'un d'eux illustre le départ du Prince Siddhārtha Gautama de son palais. Cette scène classique dépeint un chaos de corps et de têtes de musiciennes et de danseuses endormies. Parmi elles, une tambourinaire, une cithariste et une harpiste. Ce panneau confirme, d'un point de vue musicologique, l'association de ces trois instruments dans l'orchestre à cordes. Le haut du manche de la harpe s'arrête net, contrairement à d'autres représentations chames, javanaises et khmères où il se termine par une volute.