Textes, photos, vidéos : © Patrick Kersalé 1998-2020, sauf mention spéciale.
L’une des missions de Sounds of Angkor consiste à restituer des paysages sonores, soit en allant les chercher là où ils subsistent, soit en les reconstituant à partir d'enregistrements de terrain mixés avec des outils informatiques.
Plusieurs légendes khmères racontent que les temples angkoriens ont été construits par des Géants. Sounds of Angkor les a rencontrés. En juillet 2020, nous avons filmé la restauration d’un pan de mur de la gigantesque enceinte d’Angkor Thom (12 km de long, 8 m de hauteur). Si nous n’étions pas au Cambodge, nous qualifierions cette restauration de projet d’archéologie expérimentale. Tout est fait à la main, avec des outils rudimentaires et un savoir-faire ancestral. Les “géants aux mains et pieds nus” équarrissent les blocs de latérite, déplacent et ajustent avec une précision millimétrique des pierres de plusieurs centaines de kilos.
Pendant ce temps, leurs femmes, les Géantes, préparent un ciment naturel fait de terre de termitière en réduisant les blocs en de fines particules additionnées d'eau. Plusieurs ingrédients composent cet alliage naturel : terre, bois, fragments végétaux liés par les sécrétions des termites (cire, salive, soie, poils, ou encore déjections). Ces matériaux sont mélangés par les insectes avant d’être cuits par le soleil. Les Khmers en connaissent les propriétés depuis des siècles.
Il résulte de cette restauration, un paysage sonore constitué de l’environnement direct (insectes, oiseaux, vent dans la végétation), du martèlement des burins, du frappement des pierres avec les outils d’équarrissage, du damage du sol, du pilonnage des blocs de termitière, des cris et des paroles. Ajoutons-y quelques barrissements d’éléphants, hennissements de chevaux et le tableau de paysage sonore angkorien sera presque complet.